Les incidents entre Olivier Bray (seul avocat général présent hier) et la défense se sont multipliés tout au long de l’audience. Contraignant le président Régis de Jorna à suspendre les débats.
C’était apparemment inévitable. La tension est montée d’un cran hier au procès du FLNC-UC. Tout au long de la journée, la cour a tenté de déterminer qui avait fait quoi lors des attentats du 23 décembre 2007 contre la Trésorerie générale d’Ajaccio et la caserne Battesti.
Apparemment cela aurait pu être simple. Les accusés ont détaillé leurs rôles respectifs. Ce soir-là, Joseph Nasica est absent d’Ajaccio. Jean-Marie Pittiloni, Joseph Gheraldi, Marcu Caggiari, Anthony et Ange-Marie Païs se sont retrouvés pour fêter l’anniversaire des jumeaux. Dans la journée, Jean-Marie Pittiloni et Marcu Caggiari avaient préparé les charges. Au moment d’aller les poser, Ange-Marie Païs « ne se la sent pas ». Son frère, Anthony embarque les autres dans la Fiat de sa mère et se gare à proximité du collège Laetitia. Marcu Caggiari part, à pied avec une charge en direction de la Trésorerie. Joseph Gheraldi fait de même vers la gendarmerie Battesti. Les deux explosions se suivent à moins de 2 minutes. Il est environ 2 h 30 du matin. C’est là que tout se gâte. En revenant à la voiture, Marcu Caggiari se rend compte qu’il a enlevé sa cagoule devant une caméra de vidéosurveillance. Il se sent tellement mal que ses copains décident de l’emmener au domicile de Pittiloni. Pendant ce temps, Joseph Gheraldi revient… Et ne trouve plus personne. Il sera récupéré rapidement. Mais le « canal gamin » a vécu. Caggiari, Gheraldi, et les frères Païs décident de tout arrêter. Ils le disent dès le lendemain à Joseph Nasica et à Jean-Marie Pittiloni qui sont plutôt soulagés de cette décision. Simple donc.
Mais ce résumé des faits semble trop succinct pour l’avocat général Olivier Bray. Le représentant du parquet (anticipant sans doute sur son réquisitoire de la semaine prochaine) veut des détails. Il revient sur les déclarations en garde à vue. Rappelle à Jean-Marie Pittiloni qu’il avait déclaré, en garde à vue, que les cibles avaient été déterminées par Joseph Nasica « J’ai déjà expliqué que je chargeais Joseph, à l’époque, pour n’impliquer personne d’autre », s’emporte l’accusé. Depuis le début de l’audience Jean-Marie Pittiloni reconnaît qu’il prenait ses instructions « directement de la hiérarchie », mais refuse que l’on remonte au-delà de lui. Olivier Bray lui souffle que les rendez-vous avaient peut-être lieu, non pas au Lamparo comme il l’a dit en garde à vue mais à La Tana. Ce que l’accusé nie. Le parquetier glisse un commentaire, disant qu’il se moque de la cour.
Et il insiste, interroge Joseph Gheraldi sur l’attentat de la caserne Battesti alors qu’on en est encore à la Trésorerie. Me Marie-Hélène Casanova-Servas bondit : « Monsieur le président, l’avocat général anticipe une nouvelle fois ! », s’exclame-t-elle. Me Eric Barbolosi enchaîne : « Ce sont des procédés inadmissibles ! Après La Tana, on a une espèce de construction intellectuelle autour de la caserne Battesti. Il est inadmissible que l’avocat général s’adresse directement à un accusé en disant qu’il se moque de la cour. Il y en a assez dans ce dossier. M. Pittiloni, ne répondez plus aux questions ! »
Le président contraint de suspendre
Lors de ce premier incident, le président Régis de Jorna restera impassible, reprenant tranquillement le fil des débats. Mais quelques minutes plus tard, le ton monte à nouveau. Cette fois, c’est le président lui-même qui pose des questions aux accusés.
Tentant de leur faire expliquer pourquoi ils ont quitté le FLNC. Il revient sur des déclarations où l’un d’entre eux avait affirmé que « le mouvement ne les lâcherait pas » et ferait même en sorte qu’ils aient des avocats. Leur demandant si ça ne les inquiète pas d’avoir Jean-Marie Pittiloni comme « patron ».
Cette histoire « d’avocats du mouvement » qui plane sur les débats depuis le début du procès fait sortir Me Pascal Garbarini de ses gonds. « Nous ne sommes pas des avocats du mouvement », s’emporte le défenseur. « Je le dis solennellement nous sommes indépendants. Ces insinuations ne sont pas de notre fait », poursuit-il, en rappelant que ce soupçon sur les avocats corses devient pesant. Jean-Marie Pittiloni prend alors la parole pour assurer que les accusés ne s’amusent pas comme semble le dire l’avocat général. Olivier Bray s’emporte. Sa voix enfle : « On essaie de faire croire que c’est moi qui fais obstacle. Me Garbarini a parlé pour la salle, moi aussi… » Me Barbolosi intervient également. Puis Me Gilles Antommarchi qui clame d’une voix de stentor : « Mon confrère Garbarini n’a pas parlé pour la salle ! ». C’en est – enfin – trop pour le président Régis de Jorna qui suspend l’audience et annonce que « ça se réglera » dans son bureau.
Les débats reprennent ce matin avec, toute la journée, l’évocation du mitraillage des modulaires du tribunal d’Ajaccio dans la nuit du 19 février 2008. C’est lors de cette action qu’un CRS avait retrouvé un projectile fiché dans son portefeuille.
DOSSIER PROCES DU 4 JUIN SUR CORSICA INFURMAZIONE
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