#corse « Terrorisme au Mali : Il n’y aura pas de stabilisation sans l’appui des populations locales »

La tentative d’enlèvement puis l’assassinat de deux journalistes français à Kidal marque un tournant dans l’évolution de la situation en Azawad depuis que l’armée française y a mené l’opération Serval. Quatre jours après la libération contre rançon d’otages détenus depuis quatre ans, elle démontre que la stabilisation espérée de ce territoire est bien loin d’être acquise. Et, en visant des journalistes, particulièrement ceux de RFI, qui est une radio très écoutée en Afrique en raison de la qualité de ses reportages, les djihadistes veulent probablement imposer un blocus médiatique inacceptable.

La fin de la phase active de l’opération Serval avait été ponctuée par la photographie d’une scène de guerre où on reconnaissait le leader d’AQMI, Abou Zeid, mort au milieu des décombres d’un bombardement, preuve que le terrorisme avait été effectivement touché au cœur. Mais aussi sur une réalité inquiétante pour la suite des événements, puisqu’ aucune trace des otages, ni morts, ce qui aurait été le plus probable, et encore moins vivants, n’avait pu être décelée, preuve manifeste que le système restait organisé et performant.

Confirmation en a été apportée six mois plus tard : AQMI a réussi à négocier ses otages en – relative – bonne forme après tant d’années de traque dans le désert, preuve que leurs geôliers avaient les bases arrières nécessaires pour cela, contre rançon payée par Areva via le gouvernement nigérien, on parle de 20 millions d’euros, qui vont directement contribuer à son renforcement. Puis, dès la parade médiatique de François Hollande terminée, AQMI a lancé une spectaculaire opération pour reconstituer son stock d’otages à Kidal, en zone contrôlée. Échouant à les emmener dans un de leurs repaires, ils les ont aussitôt abattus, tout en réussissant à s’évanouir dans le désert malgré les hélicoptères envoyés à leurs trousses. Bref, la guerre contre AQMI et le terrorisme ne fait que commencer !

Un autre aspect de cette attaque terroriste parfaitement calculée en est le lieu et les circonstances. Les deux journalistes de RFI ont été pris pour cible au sortir d’un entretien avec un des leaders du MLNA à Kidal. Lui-même a été menacé. Cela est très certainement intentionnel, et démontre que les engagements laïcs et anti-terroristes du MLNA sont eux aussi dans le collimateur.

La lutte contre le terrorisme requiert une perspective de long terme apte à stabiliser une situation que les actes terroristes chercheront inlassablement à déstabiliser. Et pour cela, il faut pouvoir compter sur les populations locales que le MLNA est seul à représenter dans leur résistance contre l’emprise d’Aqmi et de ses semblables.

En allant chercher à Bamako la réponse politique, fut-ce à travers l’élection démocratique du Président Ibrahim Boubacar Keita, pour construire un nouvel équilibre institutionnel qui fonctionne aussi à Kidal et dans l’ensemble des territoires du Nord malgré les antagonismes criants avec le pouvoir central malien, la diplomatie française se tromperait du tout au tout. Elle en a conscience, comme le montre sa résistance aux sirènes belliqueuses de Bamako contre le MLNA et les autres mouvements assimilés aux Touaregs. Mais elle renâcle à prendre acte de la réalité politique du terrain, car, pour isoler le terrorisme, une seule opinion publique compte, et comptera dans l’avenir : celle des populations de l’Azawad. Ou elle se reconnaît dans les institutions qu’on lui propose, et dans les hommes qui en assureront la gouvernance, et elle contribuera à éradiquer le terrorisme qui alors menacera son propre avenir. Ou bien, prise entre l’enclume de Bamako et le marteau des mouvements terroristes, cette opinion publique se neutralisera et Aqmi aura bien plus facilement le champ libre.

L’équation politique de la construction de la paix au Nord Mali dans le prolongement de l’opération Serval doit donc répondre à une donnée essentielle : comment gagner durablement la confiance des populations mises sous la pression du terrorisme ? Une seule certitude, la réponse n’est pas à Bamako. Et l’opportunité que représente le MLNA, force politique structurée, résolument laïque, engagée, bien avant le déclenchement de Serval, dans la lutte contre le terrorisme, y compris les armes à la main, ne doit certainement pas être négligée.


François ALFONSI

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by @Lazezu 

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