#Corse – Yvan Colonna : vers un quatrième procès ?

(SOURCE article du 31 janvier 2015) Lorsque la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi d’Yvan Colonna, validant le troisième procès ; tous les recours lui étaient fermés en droit français, et Yvan Colonna se retrouvait définitivement « condamné » à la réclusion criminelle à perpétuité…

Il a toujours clamé son innocence et n’a jamais renoncé à se battre, malgré les années de prison. À sa demande, ses avocats ont donc introduit, en janvier 2013, une demande d’examen devant la Cour suprême au niveau européen : la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui vient de juger recevable sa requête.

liberta-per-Yvan-ColonnaLa Cour Européenne des Droits de l’Homme est une instance presque inaccessible compte tenu des conditions de saisine très strictes en matière de justice. Seulement 5% des dossiers présentés parviennent à être retenu, nous dit son avocat devant cette Cour, Maître Patrice Spinosi. C’est dire la difficulté de la procédure. C’est dire aussi la crédibilité juridique des arguments invoqués par Yvan Colonna et sa défense. La France a désormais six mois pour se défendre « des atteintes aux règles du procès équitable », l’affaire pouvant être audiencée d’ici deux ans.

Quatre griefs ont été présentés par Maître Spinosi devant la Cour européenne de Justice :

– la tenue non équitable des gardes à vue des membres du commando et de leurs épouses, capitales dans l’accusation contre Yvan Colonna.

– la prise en compte d’une lettre anonyme non authentifiée, déposée soudainement à la barre en plein procès, dénoncée comme un faux par la défense d’Yvan Colonna et qui a pesé sur l’issue des débats.

– les atteintes à la présomption d’innocence, « flagrantes de la part d’autorités publiques qui l’ont présenté comme l’assassin du préfet Erignac alors même qu’il n’était pas jugé ».

– la règle de la majorité simple pour le condamner, contrairement à ce qui se fait pour les Cours d’Assises.

Si la Cour Européenne des Droits de l’Homme reconnaît que ces libertés fondamentales ont été bafouées, Yvan Colonna serait de nouveau « présumé innocent » et un quatrième procès pourrait être déclenché.

Après trois procès et 16 années de procédures, le doute perdure en effet. Même les juges qui l’ont condamné le 20 juin 2011 ont dit leur incertitude en ne le condamnant pas à la peine maximale (la perpétuité avec la peine incompressible de 22 ans), tel que cela avait été le cas lors du second procès, le 27 mars 2009. De ce fait, ils ont clairement signifié à l’opinion qu’ils ne savaient pas si Yvan Colonna était réellement coupable puisque la justice française avait déclaré qu’elle réservait la peine incompressible de 22 ans au tireur, dans une logique de hiérarchie des peines, lorsqu’elle avait condamné à la perpétuité les deux membres du commando qui se trouvaient sur les lieux du crime (Pierre Alessandri et Alain Ferrandi).

Trop de questions restent en suspens… Si Yvan Colonna était si machiavéliquement coupable, en effet, pourquoi n’a-t-il pas préparé un alibi qu’il avait tout le temps de peaufiner ? Pourquoi n’a-t-il pas pu être pris en défaut par les mises sur écoute des enquêteurs qui enregistrent toutes ses conversations téléphoniques durant de longs mois, et observent tous ses faits et gestes ? Pourquoi ces mêmes écoutes téléphoniques qui appuient la thèse de son innocence, ne sont-elles pas versées au dossier dans un premier temps, puis disparaissent de la procédure dans un second temps ? Pourquoi les témoins oculaires du meurtre n’ont jamais reconnu en Yvan Colonna le tireur ni affirmé sa présence sur place ? Pourquoi les enquêteurs durant les premiers mois de l’enquête prennent-ils très au sérieux le témoignage précis et jamais contredit, de Madame Contard, qui a croisé le regard du tireur, puis, une fois que le nom de Colonna apparaît dans une enquête parallèle du préfet Bonnet, exercent-ils sur elle des pressions pour la faire changer de version et faire en sorte qu’elle incrimine Yvan Colonna, ce qu’elle ne fera jamais ? Pourquoi les enquêteurs ne creusent-ils pas les contradictions des propos des épouses des membres du commando ? L’une affirmant qu’il est à un endroit, quand l’autre l’affirme à un autre ? Pourquoi, si les aveux des membres du commando étaient si limpides, les enquêteurs éprouvent-ils le besoin de « tricher » lors des gardes à vue, par des menaces sur les épouses, par des copier-coller, mot pour mot, d’un procès-verbal à l’autre, par des pressions et autres manœuvres ? Pourquoi, puisqu’ils étaient persuadés de tenir leur coupable, n’enfoncent-ils pas le clou des aveux en n’opérant pas les confrontations nécessaires à la mise en cause d’Yvan Colonna ? Pourquoi, de la même façon, les juges d’instruction refusent-ils de parfaire leur scenario par l’organisation d’une reconstitution des faits ? Pourquoi c’est Yvan Colonna qui devra se battre pendant des mois avec ses avocats pour obtenir ces confrontations avec ses accusateurs ? Pourquoi son alibi concernant le soir de l’attentat de Petrusella n’a-t-il jamais été pris en compte, ne serait-ce que pour essayer de le démonter ? Pourquoi les témoins de la défense ont-il subi d’énormes pressions pour qu’ils se rétractent, ce qu’ils n’ont jamais fait ? Pourquoi la balistique n’a-t-elle jamais été prise en compte dans l’enquête, puis par l’accusation durant le procès ? Balistique, reconstitution, témoignages sont pourtant les éléments d’une mise en accusation systématiquement employés en droit français. Mais, ne pouvant servir contre Yvan Colonna, l’appareil judiciaire s’est ingénié à en dévaluer tous les enseignements, alors que, dans le même temps, il acceptait comme élément à charge un courrier photocopié anonymement, et ce contrairement à toutes les règles de droit ? Pourquoi le légiste n’a-t-il jamais été contraint à venir témoigner à la barre des différents procès ? Pourquoi la « taille du tueur » n’est-elle pas prise en compte par les enquêteurs ou par la Cour ? Pourquoi l’empreinte non identifiée dans l’affaire de Petrusella n’a-t-elle suscitée aucune curiosité de la part des enquêteurs, de l’accusation ou des juges ? Pourquoi l’enquête de police ne s’est-elle pas poursuivie à ce sujet ? Pourquoi les déclarations de Didier Vinolas, collaborateur du préfet Erignac, affirmant le 9 février 2009 que d’autres suspects demeurent toujours en liberté ne sont-elles pas prises en compte par les juges ? Pourquoi la famille Erignac ne s’en offusque-t-elle pas ? Pourquoi, si la police suspectait qu’Yvan Colonna faisait partie des «Anomymes» dès 1998, ne l’a-t-elle pas arrêté et placé en garde à vue en même temps que les autres membres du commando ? Pourquoi les Cours respectives n’ont-elles pas pris en compte que, dans toute cette affaire, les enquêteurs ont tenté, à plusieurs reprises, et sciemment, de mettre des innocents en prison, et pour cela, ont carrément fabriqué de fausses preuves (rédaction d’un faux PV de déposition contre Vincent Andriuzzi, par le commissaire Frizon ; mensonges et détournement de la commission rogatoire par le commandant Lebbos à son profit, le même qui a dirigé les gardes à vue du commando sur lesquelles reposent les seuls éléments de l’accusation contre Yvan Colonna ; dépôt d’explosifs dans la propriété de Mathieu Filidori par le commissaire Marion pour pouvoir justifier son interpellation lors de la fameuse « piste agricole », piste qui s’avèrera une erreur) ? Pourquoi les déclarations contradictoires, voire les dérives, des enquêteurs ne sont-elles pas prises en compte par les différentes cours qui ont jugé Yvan Colonna ? Pourquoi le principe de la présomption d’innocence plusieurs fois bafoué aux plus hauts niveaux de l’Etat, ou encore l’existence de « notes secrètes », jamais versées au dossier, n’a-t-il pas pesé dans la conviction des juges qu’il existait une « affaire d’Etat » ? (Bernard Bonnet, Jean-Pierre Dinthilac, Yves Bot, proches de Nicolas Sarkozy…). Pourquoi, ne se sont-ils pas davantage offusqués que le Secrétaire Général de l’Elysée, Claude Guéant, reçoive dans la nuit – en catimini – le témoin Roger Marion quelques jours avant qu’il ne soit entendu par la Cour ? Pourquoi ne se sont-ils pas offusqués des communications de la Garde des Sceaux en exercice, Michèle Alliot Marie, commentant l’arrêt de la Cour de Cassation ? Pourquoi n’ont-ils jamais relevé les interventions incessantes du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire dans cette affaire ? Pourquoi le doute ne bénéficie-t-il pas à l’accusé, bafouant tous les principes du droit français ? Pourquoi par exemple quand un avocat général avoue ne pas avoir d’éléments pour impliquer Colonna, cela n’est-il pas retenu par la Cour ? (le procureur Jannier lors du premier procès, à propos de l’attentat de Petrusella où l’arme du crime avait été dérobée). Pourquoi, des chroniqueurs judiciaires se posent-ils des questions qu’une Cour qui condamne un homme à la peine maximale ne se pose pas ? (dixit Stéphane Durand-Soufflant pour le Figaro à propos de la déposition de Roger Marion : « Il est tout de même troublant que des responsables policiers de ce rang soient, quand cela les arrange, aussi fuyants devant une cour d’assises, dans un tel dossier qui exigerait des dépositions irréprochables »).

fabienneGiovanniniAvant même d’être présenté devant un juge, Yvan Colonna a été déclaré coupable le 4 juillet 2003, lorsque le ministre de l’intérieur de l’époque, avocat de formation, annonce à la France entière, avant de devenir Président de la République française : « la police a arrêté Yvan Colonna, l’assassin du préfet Erignac ». Par la suite, le même Nicolas Sarkozy réitèrera ses propos scandaleux qui bafouent la présomption d’innocence et ont consacré la nécessité pour toute Cour de justice d’en faire le véritable coupable.

Avant lui, Jean-Pierre Chevènement en 1999 avait lui aussi bafoué le principe de présomption d’innocence. Avant lui, le procureur de la république Dinthilac et tous les réseaux médias des enquêteurs en mal de preuve, jusqu’à la Une d’un grand quotidien diffusant la photo d’Yvan Colonna avec le gros titre : « Wanted, assassin de préfet ».

Aujourd’hui, il reste à Yvan Colonna comme ultime recours la seule justice européenne.

Fabiana Giovannini.

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