(Julien Pernici – Alta Frequenza) – Et si le PADDUC était retoqué ? La question peut se poser alors que ce mardi, Femu a Corsica a lancé un véritable pavé dans la mare à deux jours de l’examen du Schéma d’Aménagement Territorial et du vote de l’ensemble du PADDUC par l’Assemblée de Corse.
A l’heure actuelle, et à moins d’une avalanche d’amendements en deux jours, Femu a Corsica demandera au mieux un nouveau report du vote, ou dans le pire des cas ne votera pas en sa faveur. En effet, qu’il s’agisse de la méthode avec 3 000 pages de documents à examiner en un temps très court, ou du fond, tout pousse le parti à la méfiance. Qu’il s’agisse de la notion de peuple corse, désormais détachée selon Femu a Corsica des documents essentiels du PADDUC, des plus de 21 000 hectares non-protégés inscrits dans le PADDUC dont par exemple la citadelle de Corte, ou bien encore de l’importance disproportionnée des zones mutables qui pourront devenir développables si besoin dans les trente ans à venir, sans compter le dossier des ZNIEFF, beaucoup trop d’écueils figurent dans le document actuel pour le voter.
On écoute Gilles Simeoni pour Femu a Corsica
Voici le texte complet de la conférence de presse de FEMU A CORSICA
Ce 30 octobre, l’Assemblée de Corse doit délibérer sur le projet de Schéma d’Aménagement Territorial de la Corse (SAT) qui conclut un long processus d’élaboration du Padduc. À cette occasion, l’ensemble du Padduc sera de nouveau soumis au vote de l’Assemblée de Corse.
Nous avions combattu avec acharnement, aux côtés de beaucoup d’autres, l’« ancien Padduc » qui prônait une vision de la Corse que nous continuons de refuser de toutes nos forces. Notre groupe s’est investi pleinement dans l’élaboration du Padduc et l’offre de « co-construction » qui nous a été faite par l’Exécutif territorial. FEMU A CORSICA a pesé en faveur des avancées significatives qui ont été concédées par l’Exécutif et nous ont conduit à voter en faveur des Orientations Stratégiques le 26 juillet 2012, puis du PADD le 31 janvier 2014. Nous le disons avec inquiétude : la cartographie n’est pas fidèle aux orientations stratégiques adoptées par l’Assemblée de Corse en juillet 2012 et au PADD voté en janvier dernier. À vouloir conjuguer tous les intérêts, l’Exécutif a fini par produire un document trop complexe, trop dérogatoire, et in fine, trop confus pour permettre à la Corse de sortir des confrontations que nous avons vécues jusqu’ici, à savoir l’annulation multiple de PLU, mais aussi, et surtout, les menées spéculatives et les tensions graves que subit notre société. Pour FEMU A CORSICA, le Padduc doit fixer des règles et des vocations de sols claires, afin que chacun, collectivités locales, aménageurs publics ou privés, puissent en tenir compte pour établir des documents d’urbanisme conformes à ses préconisations, lisibles, et juridiquement sécurisés
Depuis l’adoption du PADD en effet, nous constatons :
– Premier problème : la réécriture du PADD voté en janvier dernier Au prétexte de rendre le PADD « plus digeste », celui-ci est désormais décliné en 9 livrets où des passages qui ont été pesés entre élus durant des heures dans l’hémicycle ont été synthétisés. Outre le fait qu’il est difficile voire impossible de faire une lecture comparative dans le laps de temps imparti, les textes se trouvent « compartimentés » et donc la dimension politique forte que l’Assemblée voulait leur donner est amoindrie.
Ainsi, la notion de « Peuple corse » figure maintenant dans le livret n° 1 – Projet de Société, sous un chapitre « Préambule », détaché des documents essentiels qui forment concrètement le Padduc, à savoir : le PADD, la cartographie du Schéma d’aménagement territorial (SAT) et le livret réglementaire. Cette notion a fait l’objet en juillet 2012 d’un amendement présenté et défendu par FEMU A CORSICA au moment du débat sur les Orientations Stratégiques (juillet 2012) et adopté par l’Assemblée. En janvier 2014, le PADD l’occultait étrangement. Nouveau combat dans l’hémicycle de la part de notre groupe qui a fait une nouvelle foi adopter l’amendement. En octobre 2014, cette affirmation du « Padduc pour qui, pourquoi » n’est plus rattachée au PADD. FEMU A CORSICA, ses élus, ses militants n’acceptent pas de renvoyer au rang totalement symbolique la notion de « peuple corse ». La question « un Padduc : Pour qui, Pourquoi ? » est pour nous centrale pour donner toute sa dimension politique au document. L’intégrer dans un livret à part, marginalisé par ses futurs utilisateurs, c’est la renvoyer aux oubliettes ! Nous le disons très clairement : la réintégration, dans le livret PADD, de la notion de peuple corse – qui doit être la pierre angulaire du PADDUC- n’est pas négociable pour notre groupe.
– Deuxième problème : le retour sur des votes antérieurs et des modifications en en fin de parcours Le document qui nous est soumis le 30/10/2014 ne se limite pas au Schéma d’aménagement territorial (SAT) qui représentait la dernière étape du Padduc ; il revient sur l’ensemble des documents jusqu’ici adoptés qui seront de nouveau soumis au vote. Ce qui amène l’Exécutif à modifier des points qui nous semblaient acquis. Sur le principe, à l’appui d’un amendement de dernière minute (dit « Amendement Chaubon »), cette disposition ne serait pas choquante s’il s’agissait de modifications « à la marge ». Or il s’agit de notions nouvelles et de chapitres entiers qui pourraient bouleverser la philosophie du texte initial.
DES CONSTATS TRÈS INQUIÉTANTS
– L’apparition de notions nouvelles dont l’Assemblée de Corse n’a jamais débattu : « espaces mutables », « espaces urbanisés » à la définition modifiée, « tâches urbaines » (voir annexe).
– La modification du statut des « espaces stratégiques environnementaux » que nous avons voté comme « inconstructibles » en janvier 2014, et qui ne le sont plus dans le PADD réécrit en octobre. Leur définition même a été modifiée (explications en annexe).
– La modification de certaines destinations : des espaces stratégiques agricoles (inconstructibles sur les premières cartes fournies) deviennent des espaces agricoles de moindre importance donc ouverts à certaines constructions ; de même, des espaces remarquables ne sont plus pris en compte dans la nouvelle cartographie et leur délimitation générale crée un flou juridique (voir annexe).
– La disparition de nombreux sites inscrits de la Trame Verte et Bleue : 22.000 hectares qui, de fait, ne seront plus protégés comme l’exige pourtant la loi.
– L’absence de sécurisation juridique qui est un des objectifs essentiels du PADDUC : il doit faciliter le travail des élus locaux et non le compliquer comme il le fait aujourd’hui.
Outre ces problèmes particulièrement importants, la dimension économique gagnerait à être précisée. Le rôle de l’entreprise, dans une île désormais soumise à de fortes tensions sur les budgets et financements publics doit nécessairement être clarifié, au moment où notre Assemblée débat d’un nouveau pack fiscal. Idem pour la question des transports, certes abordée en détail dans le PADDUC mais qui doit être mieux articulée avec les nécessités d’un développement réussi et maîtrisé.
Enfin, la logique d’une croissance de niches (Technologies de l’information et de la communication, économie de la connaissance, transfert de technologies, productions d’excellence, artisanat d’art, énergies renouvelables, croissance bleue…) doit être remise en perspective et dynamisée.
Le financement de l’économie, même s’il échappe en grande partie à notre champs de compétences, doit également être repensé, dans l’optique notamment d’une meilleure coordination des outils existants, ainsi que d’un concours plus soutenu du secteur bancaire.
UNE MÉTHODE ALTÉRÉE
Après les fastidieux débats qui ont prévalu aux votes des Orientations Stratégiques en juillet 2012, puis du PADD le 31 janvier 2014, restait à affronter l’étape la plus difficile et la plus délicate, celle de la traduction spatiale de ces orientations : le Schéma d’aménagement territorial (SAT). « Difficile » parce que c’est bien dans la destination des sols que les différentes visions de l’avenir de la Corse s’affrontent. Or, au lieu de se renforcer à l’approche de ce débat, depuis quelques semaines, voire quelques mois, la méthode que nous avons louée s’est progressivement détériorée. Assises, séminaires, ateliers, commissions, enquêtes d’opinion, contributions diverses, Comité Stratégique, Comités de pilotage, nous avons participé à tous les rendez-vous. Depuis quelques semaines en effet, intégration de nouvelles notions fondamentales qui n’ont pas été correctement débattues ; modifications de cartographies d’une semaine à l’autre ; fourniture tardive des documents complets ; importance et volume des pièces et annexes fournis qui rendent impossible un examen préalable sérieux par les élus… Le CESC n’a pas été consulté : même si légalement, il est amené à se prononcer en aval sur le projet qui sera voté, on ne peut que regretter que les élus territoriaux ne puissent bénéficier de son expertise. S’y ajoute un ordre du jour particulièrement chargé pour la session, comprenant des dossiers aussi fondamentaux que la fiscalité de la Corse, la zone franche « Montagne », ou la politique économique de la CTC : il sera compliqué de tenir un débat en profondeur dans des conditions sereines.
AUSSI, COMPTE TENU DE TOUT CE QUI PRÉCÈDE, EN L’ETAT ACTUEL DU DOCUMENT, SANS MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES, NOTRE GROUPE NE POURRA PAS APPROUVER LE PADDUC TEL QUE PRÉSENTÉ.
L’aboutissement du PADDUC est une nécessité : nous espérons ne pas avoir à mettre en œuvre cette position extrême et appelons solennellement l’Exécutif à réfléchir sur les propositions constructives que nous avançons afin de rendre le PADDUC plus clair, plus sûr et plus conforme aux orientations stratégiques. Nous avons 48 heures pour trouver un chemin par la voie des amendements ; nous sommes persuadés que c’est possible.
ANNEXE
ESPACES MUTABLES – EMUE (près de 11.000 hectares)
Les EMUE sont présentés dans le nouveau document comme des espaces à enjeux multiples qui pourraient changer de destination en fonction de l’expansion urbaine. Quelle que soit leur vocation initiale dans le PADDUC, ils pourraient devenir constructibles, avec pour seule réserve un aménagement global sous l’égide d’une « structure de pilotage » menée par la CTC. Cela revient in fine à considérer ces espaces comme « urbanisables ». Cette rédaction conduit à rendre le Padduc « compatible » avec les PLU et autres documents d’urbanisme, alors que c’est le Padduc qui a valeur de Directive Territoriale d’Aménagement : ce sont les documents d’urbanisme qui doivent s’y conformer et non l’inverse !
De plus, nous constatons, dans les derniers documents fournis,
– que certains de ces Espaces mutables débordent largement les abords des zones urbaines.
– qu’ils ne concernent plus les seuls espaces agricoles mais aussi des espaces remarquables et des sites inscrits – ce qui est impossible au regard de la loi Littoral.
– que les Espaces mutables sont souvent taillés « sur mesure », au cas par cas, pour satisfaire des demandes locales.
– que les espaces mutables créent une inégalité par rapport aux villages de montagne, où l’ouverture de cette possibilité de mutation aurait permis de répondre au problème des refus récurrents de permis de construire parfois même en continuité de l’existant.
Il y a donc des contradictions manifestes et des risques de contentieux juridique.
Enfin, à notre connaissance, les Chambres d’Agriculture n’ont pas été consultées depuis l’application de ce concept nouveau.
Quels sont les risques ?
1) La suppression rapide de terres agricoles à fort potentiel ou de zones naturelles ; l’urbanisation linéaire le long des routes, à l’inverse de la densification et du réaménagement urbain décidés par le PADD voté en janvier.
2) Une spéculation d’anticipation : dès que les cartes seront validées, les prix des terrains de ces zones agricoles vont inévitablement flamber.
Même là où il y a des PLU, toutes les transactions agricoles seront gelées, les terres devenant à terme constructibles ! Exactement l’inverse des objectifs du PADD.
3) Une pression supplémentaire sur les élus locaux lors de l’élaboration des PLU.
ESPACES STRATEGIQUES ENVIRONNEMENTAUX (3.300 ha)
PADD voté le 31 janvier 2014 :
« Les espaces présentant un intérêt écologique ou nécessaires au maintien des équilibres biologiques sont des espaces stratégiques pour la préservation de la biodiversité. À ce titre, ils sont inconstructibles (…) L’identification de ces espaces repose notamment sur l’inventaire patrimonial Znieff 1, la Trame verte et bleue, les espaces relatifs à la loi 1930. La typologie des espaces stratégiques pour la préservation de la biodiversité et celle des espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral protégés au titre de la loi « Littoral » se recoupent. En conséquence, les espaces stratégiques pour l’environnement ne se superposent pas aux espaces remarquables ou caractéristiques du littoral (…) Concernant les Znieff de type 2, les aménagements n’y sont permis qu’après une analyse rigoureuse, un contrôle de leur impact sur la nature et de leur intégration dans les sites (…) »
Nouvelle rédaction en octobre 2014 :
« Lorsqu’il l’estime nécessaire compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation, le PADDUC définit donc dans les zones soumises à de fortes pressions des espaces stratégiques environnementaux dont l’objectif est de venir compléter – sans redondance ni superposition – les protections existantes ou concomitantes à l’adoption du PADDUC (y compris espaces stratégiques agricoles et identification des Espaces Remarquables ou Caractéristiques). (…) Les documents d’urbanisme devront démontrer la compatibilité des projets d’aménagements au sein de ces espaces avec le maintien des continuités écologiques et plus largement la préservation des enjeux de biodiversité identifiés dans la trame verte et bleue sur ces secteurs (…) » Inconstructibles dans le PADD voté en janvier 2014, ces espaces ne le sont plus en octobre, et leur définition est désormais sujette à interprétation, donc source de multiples contentieux ! Les Znieff 1 n’y sont plus intégrées. Les Znieff 2 ne sont plus mentionnées.
ESPACES REMARQUABLES ET CARACTERISTIQUES
La loi Littoral déclare ces espaces « inconstructibles ». Par le Padduc, l’Assemblée de Corse a la possibilité d’en compléter (et non pas réduire) la liste. La méthode de l’Exécutif a consisté à partir des Atlas de 2004 élaborés scientifiquement à retrancher et compléter cette liste en fonction de critères paysagers et d’un intérêt biologique et écologique reconnu.
Nous constatons :
– que certaines Znieff de type 1 ne figurent pas dans la liste des ERC alors que leur seule définition, zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, suffit à les y intégrer automatiquement ; ainsi que le suggèrent d’ailleurs les textes adoptés jusqu’ici (Livret Littoral, PADD).
– que cette non intégration contrevient à la loi Littoral, telle qu’elle définit l’importance de ces zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique,
– que le Padduc sur ce point est une régression par rapport au Schéma d’aménagement de la Corse de1992 et que le Padduc créé donc sur ce point une insécurité juridique,
– que les Znieff 1 les plus emblématiques qui ne sont pas retenues dans la liste des ERC du Padduc sont directement menacées par des projets immobiliers qui ne correspondent pas à la philosophie du PADD adoptés en janvier 2014,
– que dans certains cas, sortent des ERC des zones dont la constructibilité inscrite dans le projet de PLU a fait l’objet d’une annulation par le Tribunal Administratif. Ou encore des zones que certains maires veulent déclasser !
– que des sites inscrits (loi 1930) ne sont plus intégrés aux ERC, alors qu’ils l’étaient dans le document voté en janvier 2014, exposant ces sites à la forte pression urbanistique dont ils sont déjà victimes.
– que certaines cartographies (SMVM notamment) signalent de simples constructions comme des « tâches urbaines », ouvrant ainsi sur ces sites, de façon contraire à l’esprit de la loi, une possibilité de densification. Et la cartographie fait parfois apparaître des tâches urbaines n’existant pas dans la réalité.
– Enfin, que le tracé adopté pour la délimitation des ERC fragilise ces espaces. En effet, le choix d’une épaisseur du trait de 2mn sur une échelle de 1/50.000è revient à créer une zone d’imprécision sur le terrain de 100 mètres laissée à l’appréciation des maires au moment de l’élaboration de leur PLU.
Or, c’est à l’Assemblée de Corse – et non aux maires – que la loi confère la possibilité de localiser ces espaces. Compte tenu de la pression dont les élus locaux sont victimes pour élaborer leur document d’urbanisme, cette zone d’imprécision fait courir potentiellement le risque de voir « rogner » des parts importances de ces espaces remarquables établis sur des critères scientifiques. Il y a là encore une fois un risque d’insécurité juridique du Padduc.
Au total, 20 887 ha d’ERC sont susceptibles de disparaître sur l’ensemble des contours, 13.213 si l’on ne tient pas compte de la bande des 100 mètres.
L’un des objectifs poursuivis dans l’élaboration du Padduc est d’en finir avec les attaques au TA des PLU et des permis de construire. Par le seul jeu du coup de crayon, nous allons au contraire amplifier les contentieux car, à l’heure actuelle, les ERC sont délimités à la parcelle.
« ESPACES URBANISÉS »
À travers les « espaces urbanisés », le Padduc introduit un autre « concept nouveau », posant un problème de compétence. Il était envisagé à l’origine pour permettre la densification au cœur des hameaux anciens de nos villages, ce qui était intéressant. Ces espaces sont définis comme : « Un nombre significatif de constructions à apprécier en fonction du contexte local » ; et aussi : « deux espaces présentant la même densité bâtie et le même nombre de constructions peuvent donner lieu à un diagnostic différent, l’un comme espace d’urbanisation diffuse, l’autre comme espace urbanisé, s’ils sont situés dans des territoires différents »
Par le « flou » ainsi maintenu, le Padduc crée une inégalité entre les territoires et sera de ce fait source de nombreux contentieux.
POUR FEMU A CORSICA, IL EST IMPERATIF DE CLARIFIER L’ENSEMBLE DE CES NOTIONS.