(Corsicainfurmazione.org, publié le 2 octobre 2025) C’est un plaisir de vous retrouver après la période estivale et ce mois de septembre, bien chargé à de nombreux égards car cette rentrée a le goût de la complexité et se déroule sous le sceau de l’incertitude.
Une incertitude internationale marquée par des tensions croissantes et la banalisation de comportements instables, y compris chez les puissances de ce monde qui se livrent toujours plus à des analyses ou des actions qui ont peu à voir avec la démocratie dont certaines pourtant se réclament. Une incertitude à l’échelle européenne. La multiplication d’épisodes d’ingérences physiques ou informationnelles russes, qui menacent l’intégrité de l’Europe mais ne suscitent aucune réponse affirmée, doit nous interpeller. De même, les difficultés relatives aux contours du prochain cadre financier pluriannuel européen qui menacent la prochaine politique de cohésion pourtant essentielle pour les territoires d’Europe dont nous sommes et dont dépendent nos financements à venir. Malheureusement je ne vois rien de meilleur au plan national. L’absence de gouvernement, l’instabilité parlementaire et l’incertitude budgétaire et sociale, qui en découle, nous promettent un automne et un hiver agités… D’ailleurs aujourd’hui est une journée de grève et de manifestation. Et nous ? De manière générale, les territoires et les régions se voient conditionnées par ces incertitudes ambiantes et nous allons, certainement, comme l’an passé, nous confronter à d’âpres difficultés budgétaires alors que nous sommes en première ligne auprès des citoyens, dans l’exercice de services publics de base et de proximité. Pour la Corse, en particulier, l’incertitude pèse à nouveau sur le projet d’autonomie, otage une nouvelle fois d’échéances calendaires modifiées, preuve s’il en est que le modèle français, bien loin de nous apporter stabilité et cadre, aujourd’hui nous contraint.
Deux certitudes cependant de mon point de vue :
1) La démocratie est en péril, partout ! 2) Elle ne trouvera son salut qu’à l’échelle des territoires…
1. La démocratie est en péril partout, qu’est-ce à dire ? En Europe, le populisme gagne du terrain, la désinformation est attisée par les ingérences étrangères et les populations sont de plus en plus sceptiques vis-à-vis des dirigeants. Aux USA, les libertés fondamentales sont bafouées, et les droits humains niés. Il n’y a qu’à se documenter sur les traitements infligés aux migrants en situation irrégulière pour s’en persuader… Mais aussi, bien que différemment, aux américains qui protestent contre le président Trump. La France est quant à elle, confrontée à une perte généralisée de confiance et au rejet du « politique ». Le baromètre de la confiance politique (CEVIPOF, Sciences Po), dans sa publication de février dernier, indiquait que les mots « méfiance », « lassitude », « morosité » ou encore « peur » sont les qualificatifs les plus utilisés par les Français pour illustrer leur état d’esprit…
2. Alors que faire d’un système politique qui ne satisfait visiblement plus et qui ne représente plus un idéal y compris au sein des sociétés développées ? « La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres » disait Churchill. Et même si elle va mal, la démocratie reste le système politique le plus juste et mérite d’être sauvée. D’où mon appel aujourd’hui à une pratique territoriale de la démocratie. Mais le pouvoir par le peuple ne saurait se résumer à la seule démocratie représentative (donc nos parlements). La démocratie participative dans et avec les territoires, les projets collectifs, la prospective doivent venir épauler la démocratie représentative et contribuer à de nouvelles formes de résilience. C’est précisément à cette « résilience démocratique » des territoires que j’en appelle. Nous devons nourrir le dialogue avec le mouvement associatif, avec les acteurs économiques et culturels. C’est dans cette pratique horizontale de la démocratie que nous pourrons développer les principes de tolérance, de réciprocité et favoriser un esprit de co- construction et rendre le futur soutenable et vivable pour nos enfants. Au moment où le doute s’installe sur notre capacité à faire vivre la démocratie européenne, où l’intolérance et l’individualisme progressent, interrogeons-nous les uns et les autres sur nos comportements politiques ic et nunc. Avec le recul que nous avons aujourd’hui sur notre mandat électif, nous pouvons dire qu’ici, collectivement, et malgré nos divergences et nos imperfections, nous réussissons à faire vivre des valeurs démocratiques : respect, dialogue, parole donnée aux jeunes (ADAG), échanges avec le CESEC, soutien à l’éducation, lutte contre les dérives mafieuses, défense des minorités, analyse prospective. Il nous faut continuer. Notre responsabilité d’élus est que, quel que soit le niveau d’incertitude, quels que soient les aléas politiques et les échéances électorales, nous préservions ce bien commun que sont les valeurs démocratiques.
Dans cette perspective, nos travaux collectifs sur la prospective à l’horizon 2050 visent justement à s’interroger et à mettre en débat l’avenir, à discuter librement des futurs possibles, à pratiquer une démocratie éclairée. Oui, les temps sont plutôt sombres. Oui, les ressources manqueront. Et immenses restent les choses à faire, en particulier, pour former notre jeunesse et assurer la maitrise de nos ressources stratégiques. Mais héritiers de Paoli, nous devons garder en tête, que l’intérêt général doit être préservé et que nous aurons à inventer autre chose, un nouveau contrat social tout autant que démocratique et ce, quelles que soient nos appartenances partisanes. En cette rentrée parlementaire, et alors que s’est déjà ouverte la campagne des municipales, j’invite les membres de cette honorable assemblée à faire preuve de discernement démocratique dans les travaux que nous aurons à mener dans les semaines qui viennent et rester en cela fidèles aux valeurs que collectivement nous portons depuis 4 ans.
Bona rientrata è bon travagliu ! À ringrazià vi.
Marie-Antoinette Maupertuis, Présidente de l’Assemblée de Corse
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