(Corsicainfurmazione.org, publié le 4 juin 2025) Aux origines du nationalisme corse moderne.. Années 70, les étudiants (enfin ceux qui peuvent, moi je serai pion à Corté pour économiser et partir l’année suivante) doivent s’exiler pour leurs études.
Les Corses partent dans le monde et dans l’hexagone « pour faire vivre leurs familles ». Dans l’île, c’est la misère et le désert économique (lois douanières, deux guerres dont la grande boucherie, exil des forces vives) sauf pour la nourriture, les jardins petits et grands (et les murets) étant nombreux (la Corse n’important que des produits qu’elle ne cultivait pas). Les infrastructures collectives (ponts non encore réparés depuis la guerre, routes-sentiers) étaient peu nombreuses ou obsolètes (contrairement à celles d’Algérie ou d’autres contrées coloniales françaises).
La plupart des villages du monde rural isolés parfois, n’avaient ni eau, ni électricité.. et la Corse était sous l’éteignoir des clans avec lesquels Paris magouillait en permanence. Ces clans favorisaient les départs et ne voulaient surtout pas d’université dans l’île. La société corse, soumise à l’emprise des clans, était moyenâgeuse, ses réactions étaient dictées par les chefs de clans, petits ou grands (peu de moyens de communications alors) . Pour ceux qui veulent vraiment s’informer, je conseille l’excellent ouvrage du sociologue-philosophe portugais José Gil qui a séjourné alors en Corse et a étudié les mécanismes de la société clanique corse d’alors.
Puis avec le développement de la civilisation des loisirs en Europe, Paris a commencé à s’intéresser aux potentialités touristiques de l’île et a mis en place la SETCO pour accélérer le développement du tourisme. La guerre d’Algérie prenant fin, Paris a reclassé nombre de colons rapatriés, leur facilitant l’accès à la terre (refusé aux Corses) par le biais de la Somivac.
Après Mai 68, les étudiants corses confrontés à une société française si différente de celle qu’ils connaissaient en Corse, ont pris conscience se la disparité de situation entre l’Hexagone et leur île, tandis que l’heure était aux luttes de libération de par le monde. Ils ont alors commencé à se mobiliser pour pouvoir vivre et étudier chez eux et arracheront contre vents et marées la Réouverture de Corté, sur fond de Riacquistu culturel. Ceux qui ne connaissent pas cette période ne peuvent pas comprendre l’émergence et le développement de la contestation moderne et du nationalisme moderne d’alors.. et encore moins les motivations tiers-mondistes (gauchistes dixit les palatins bastiais qui veulent « brouter sur l’électorat nationaliste » corse d’aujourd’hui). Puis avec l’échec des luttes de libération de par le monde, la mondialisation des économies et le formatage des esprits, sur fond de tout-tourisme et de colonisation de peuplement hexagonale, la Corse, ouverte aux quatre vents a perdu son âme et son mystère.. et aujourd’hui elle est un petit quartier du village global de l’Union européenne, subissant sa politique bonne ou catastrophique, c’est selon.. Aujourd’hui l’avenir est plutôt compliqué, et malheureusement, hormis le travail et l’exemplarité en toute chose, difficile de combattre les mécanismes mortifères que les luttes avaient bloqués durant un temps, mais pas annihilés..
Et nos rêves s’estompent car l’île et ses combats d’aujourd’hui nous semblent bien mièvres et peu porteurs de grands espoirs.. et un peuple qui ne rêve plus ou pas, n’a pas vraiment de grand avenir.. d’autant que l’heure est à la recherche des grands ensembles, les petites entités ne comptant plus guère, et que règnent les peurs, le conservatisme et la Réaction, annonçant hélas aussi des reculs de civilisation et des guerres.. Alora comment positiver, sinon (petit niveau !) prêcher l’exemplarité, le respect d’autrui et du bien public, un retour à la morale en politique avec la prédominance de l’intérêt collectif.. entre-autres. Mais peut-être la jeunesse (créole !) d’aujourd’hui doit nous prendre pour des ovnis, ayant d’autres soucis et priorités que les nôtres quand on avait 20 ans, dans les années 70.. quand le monde s’ouvrant à nous, semblait nous appartenir.
Pierre Poggioli