Les contre-pouvoirs du FLNC dans les années 80 – #Archives #Corse –

(Unità Naziunale Publié le 22 novembre – archive de 2017 – Revue de site) S’il y a bien un domaine pour lequel Unità Naziunale avait été crée c’est l’historicité de la LLN.  Aujourd’hui internet est une bibliothèque ouverte et les documents sur la Lutte de Libération Nationale sont en libre accès. 

 

Les syndicats et associations : Première phase

Le Front expose sa conception de l’Autodétermination par la stratégie des contre-pouvoirs, après la création d’une structure publique, la CCN, et définit les bases fondamentales de la Lutte de Libération Nationale, (LLN). Le colonialisme doit être combattu sur tous les terrains, la LLN doit donc organiser le peuple en suscitant la mise en place de contre-pouvoirs.

Dans le Livre Blanc, le Front définit les moyens à employer pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés : “ Le mouvement de libération nationale est composé de différentes expressions publiques politiques, syndicales, sociales et culturelles se situant toutes dans une même stratégie et luttant toutes pour les mêmes finalités. La différence entre-elles se situant au niveau des moyens qu’elles utilisent ”…

C’est donc dans la LLN que se trouve “ la seule unité ”, car pour le FLNC “ l’unité conjoncturelle (…) est toujours le fait d’appareils ou d’individus qui, par les compromis avec l’État français espèrent négocier avec ce dernier sur le dos des intérêts collectifs du peuple corse ”.

Le FLNC demande de “ neutraliser les différentes combinaisons susceptibles de déboucher sur une 3ème voie (…) en aiguisant les contradictions de ces collectifs, mouvements, personnalités réformistes (…) en agissant au sein des expressions publiques de la LLN pour impulser la mise en place d’un véritable regroupement de ces expressions et se poser en véritable force politique alternative au colonialisme ”.

Pour le FLNC, qui se définit comme une organisation politico-militaire, cette alternative doit œuvrer à court terme, pour un début de processus de décolonisation, à moyenne échéance contraindre l’État français à reconnaître les Droits nationaux du peuple corse (et donc son Droit à l’Autodétermination), et enfin à long terme, garantir l’exercice de ce Droit à l’Autodétermination.

Dans le cadre de cette alternative à proposer au peuple, le FLNC préconise la création de contre-pouvoirs : “  Le colonialisme doit être combattu sur tous les terrains, la LLN doit donc organiser le peuple en suscitant la mise en place de contre-pouvoirs. Ces structures lui permettront de prendre en mains le contrôle et la gestion du pays dans chaque domaine (…) en fonction de ses besoins et de ses intérêts (…).

Ces structures sont des garanties d’une authentique autodétermination puisque “ à tous les niveaux, le peuple corse se sera donné les moyens de décider en toute liberté…).

Elles peuvent avoir plusieurs aspects (syndicat, association culturelle, organisation politique publique, coopératives, mutuelles…), mais ne sont de véritables contre-pouvoirs que dans la mesure où elles prennent en compte la globalité de la lutte et “ tiennent compte de leur originalité, (elles sont toutes différentes de par le créneau d’intervention qu’elles occupent), de leur complémentarité, (elles participent ensemble à une lutte globale en se complétant) et de leur solidarité, (elles sont indissociablement liées par une stratégie globale)”.

Pour ces raisons, le FLNC rejette la politique de l’entrisme dans les structures françaises et donne pour mot d’ordre de quitter les partis et syndicats français pour renforcer en les rejoignant les structures de la LLN. C’est ainsi que tous les soirs, je participe à Ajaccio à des réunions de constitution des “ contre-pouvoirs ”. Ce sera d’abord le renforcement de A Riscossa, association de soutien aux emprisonnés politiques, créée depuis 1978, avec Nicole Stromboni, Jean-Marie Santelli, Jacques Vigneron, Pierre Andreotti, puis des “ Associi Naziunalisti ” dès la fin 82, qui deviendront “ A Cuncolta di l’Associi Naziunalisti ” fin 83, et céderont la place en 84 au “ Sindicatu di I Travagliadori Corsi ”, (STC).

La lutte de masse, (manifestations, occupations, réunions, prises de position diverses, mobilisations en tout genre…) et la lutte institutionnelle, (participation aux échéances électorales qu’impose le système colonial pour ne pas laisser le champ libre, y compris sur ce terrain, aux relais du colonialisme que sont les forces du clan ou les tenants de la 3ème voie, et pousser les contradictions au sein du système), doivent prendre en compte la lutte armée, à laquelle les lie une « solidarité inconditionnelle », pour éviter l’émergence d’ une 3ème voie suscitée à terme par les intérêts français. Tandis que certains des militants du FLNC vont s’y investir, participant à des réunions de constitution de ces “ contre-pouvoirs ”, d’autres militants en cavale, reprenant leurs activités publiques, rejoignent la CCN début 82[1], tout en continuant leur travail d’organisation, d’explications et de participation aux actions sur le terrain clandestin..

Les premiers Associi (associations) sont ceux des salariés de l’Hôpital, de la SEITA, et de la Société des Autobus Ajacciens. Bientôt à l’occasion de nombreuses actions sur le terrain, ces Associi vont se multiplier  et  prendre de l’importance, pour devenir incontournables au plan syndical dans l’île. Ces Associi se développeront sur Ajaccio grâce à l’investissement de militants dévoués, François Mondoloni et Jean-Jacques Andreani pour la SEITA, Rinatu Peraldi, Josy Mondoloni et François Barbieri pour l’hôpital, Henri Filippi pour l’enfance inadaptée, Jacky Callistri pour la DDE, Jacky Rossi et Paul Castellani pour les Autobus… et bien d’autres qui arrivent dans les mois qui suivent, avec la création de nombreuses sections. Au départ, les sections se multiplient sur la Région d’Ajaccio puis en Haute-Corse avec les salariés de la SEITA, -qui mèneront avec succès une grève dans l’entreprise le 12 décembre, forts du soutien de 90% des salariés, implantant avec les salariés de Bastia le 1er Associu présent sur toute la Corse-, la Balagne puis l’extrême-sud de l’île. Parallèlement, nous commençons à développer “ A Federazione Corsa di i Cummercianti e di l’Artigiani ”, (FCCA), avec entre-autres Jacky Sortelle et “ l’Associu di l’Agricultori Corsi ”, (SCA), avec Marcellu Cesari, crée le 15 mai à Corte, qui occupera diverses terres pour demander leur redistribution à des jeunes corses. Dès le 19 mars 83, le SCA va se mobiliser pour le domaine de Pinia, 800 ha, sur la Côte Orientale. Fin 84, “ l’Associu di l’Insignanti Corsi ”, (AIC) qui existait déjà, mais qui a connu le départ de certains militants, dont Jean-Marie Arrighi, suite aux débats sur les régionales de 82, est réorganisé. Le 16 mai 84, il devient le “ Sindicatu di i Travagliadori di L’Insignamentu ”, puis le 12 juin 85, le “ Sindicatu Corsu di l’Insignanti ” (SCI), sous la présidence de Jean-Baptiste Rotily-Forcioli. En février se crée aussi toujours à Ajaccio, “ l’Associu di i Parenti Corsi ”, (APC), avec entre-autres Jean Alessandri qui va occuper le terrain de l’enseignement de la langue dans l’éducation nationale et prendre en compte les problèmes de l’enseignement en général. Puis va se créer le “ Sindicatu di i Pescadori Corsi ”, (SPC), qui va prendre en charge les problèmes de la pêche.

À Bastia, rapatrié de Nice, où il était l’organe de la CSC, désormais journal de la CCN, U Ribombu deviendra hebdomadaire le 1er mars 84.

Et bien sûr, le mouvement est à l’écoute des jeunes avec la CSC, et l’Associu di i Liceani Corsi, (ALC), réunies dès 82 au sein de a “ Ghjuventù Naziunalista  Corsa ”, (GNC), qui vont multiplier les mobilisations. La GNC, qui s’est reconstituée fin 82, se mobilise dès le 13 janvier 83 en organisant des grèves dans les lycées et collèges en réaction aux mobilisations contre les nationalistes. Ces organisations de jeunes vont organiser de nombreuses occupations de bâtiments publics, (Université, Rectorat, Inspection académique, ANPE), et manifestations qui vont très souvent entraîner l’intervention des forces de l’ordre.

Les syndicats et associations : Seconde phase

Les Syndicats nationalistes sont nés en 1983 d’un constat de carence sur le terrain social après la dissolution de la CCN (Cunsulta di i Cumitati Naziunalisti). La dimension syndicale de la lutte s’est affirmée à partir de 84, quand u Sindicatu di i Travagliadori corsi (STC) a succédé à l’Associi Naziunalisti (associations nationalistes). Sont apparus plus tard : u Sindicatu corsu di l’insignamentu (SCI), qui a pris la suite de l’Associu di l’Insignanti corsi (AIC), a Federazione corsa di i Cummircianti e di l’Artighjani (FCCA), qui a succédé au SCCA (Sindicatu corsu di u Cummircianti e di l’Artighjani), u Sindicatu corsu di l’agricultura (SCA), u Sindicatu corsu di i Piscadori (SCP), l’Associu di i Parenti corsi (APC). Ces syndicats, auxquels il faut joindre l’Associu di i Liceani corsi et a Cunsulta di i Studienti corsi (CSC), ont constitué « Unità Naziunalista », coalition stratégique de la Lutte de Libération Nationale visant à créer les conditions de l’auto-organisation du peuple par le développement de contre-pouvoirs syndicaux socioprofessionnels, associatifs ou humanitaires.

Il faut noter aussi l’organisation de soutien aux victimes de la répression, a Risposta (la réponse), succédant à a Riscossa (l’aide), dissoute en juin 1987 par le gouvernement Chirac.

C’est sur cette base qu’après les scissions de 1989 et 1990, la mouvance FLNC dit Historique a impulsé la mise en place de nouveaux contre-pouvoirs à partir du moment où elle ne contrôlait plus les anciens, ou si ceux-ci avaient disparus. Elle créé :

  • Furesta Viva : créée en 1994, elle regroupe les propriétaires forestiers et les professions de ce secteur d’activités.
  • I Campagnoli Corsi (les ruraux Corses) : ce syndicat d’agriculteurs est créé au départ pour concurrencer le syndicat corse de l’agriculture (SCA) étiqueté proche du MPA. Les deux syndicats agricoles dont les responsables étaient Marcel Lorenzoni et Mathieu Filidori firent ensuite cause commune.
  • La FTI, Federazione Di i Travagliadori Indipendenti (Fédération des travailleurs indépendants). Elle est créée en 1994 et regroupe les artisans, commerçants, et membres des professions libérales.
  • L’UTC, Unione di I Travagliadori Corsi (union des travailleurs corses ). Elle est créée en 1995 et regroupe les salariés en concurrence avec le STC mais il ne connaîtra pas un grand développement. Il a cessé ses activités à la fin des années 1990.
  • Patriotu : c’est une association d’aide et de soutien aux militants Corses emprisonnés qui remplace A Riscossa. Elle est créée en 1991. Aujourd’hui ce terrain est occupé par la Comité Anti-Répression, CAR.
  • U Sindicatu di A Saluta (syndicat de la santé) est créé en 1991. Il regroupe les secteurs de la santé dans l’île : médecins, infirmiers…

Les autres syndicats et associations

  • U Rialzu Economicu (le relèvement économique) est créé par le MPA mais s’est séparé de lui après l’élection de Gilbert Casanova en novembre 1994 à la présidence de la CCI Corse du Sud. Il regroupe lui aussi les commerçants, artisans, membres des professions libérales.
  • Cors’Economia est une dissidence du Rialzu Economicu en Haute-Corse. Il entretient de bonnes relations avec la FTI.
  • La CSC, A Cunsulta di Studienti Corsi (assemblée des étudiants corses) est créée en 1974 par les étudiants de Nice. Après avoir été proche de A Cuncolta jusque dans les années 92-93, elle a été ensuite proche de A Chjama dont les leaders sont Jean Biancucci et Edmond Simeoni. L’année 1974-1975 fut une année mouvementée pour les étudiants corses de Nice. En parallèle de la CSC, les plus déterminés avaient créé un mouvement clandestin, le GAEC (Groupe d’action des étudiants corses), auquel a succédé le GENC (Groupe des étudiants nationalistes corses).
  • Ghjuventù Paolina (Jeunesse Paoline) est créée en 1990 en réaction à la mainmise du FLNC historique sur la CSC de l’époque. Elle est alors proche du Rinnovu.
  • Ghjuventù Indipendentista(jeunesse indépendantiste) créée à l’Université en 2001, ce « syndicat étudiant » est proche des thèses de « Corsica Nazione Indipendente ».
  • L’ALC, Associu di i Liceani Corsi (Association des lycéens corses), et la CGNC, Cunsulta di A Ghjuventù Naziunalista Corsa (Assemblée de la jeunesse nationaliste Corse) ont connu de nombreuses évolutions au fil des changements s’opérant au sein du mouvement nationaliste. Ils menèrent des campagnes de défense de la langue, de la culture, de l’Université et contre la drogue. Ils eurent de bonnes relations avec les étudiants.
  • L’APC, Associu di i Parenti Corsi (Association des parents corses) a connu des évolutions au fil des changements s’opérant au sein du mouvement nationaliste. Aujourd’hui, elle mène des campagnes contre la drogue, l’insécurité dans les écoles et pour l’enseignement de la langue et de la culture corses.
  • Le STI, Sindicatu di i Travagliadori di l’Insignamentu (syndicat des travailleurs de l’enseignement) est créé en 1995 et regroupe des enseignants Nationalistes d’horizons divers ; il défend la corsisation de l’Enseignement en demandant la mise hors normes de l’Académie de Corse, et le développement de la Langue et de la Culture corses par l’Enseignement obligatoire du corse. Il a aujourd’hui cessé ses activités.

Pierre Poggioli

  • [1] A Ajaccio, après la mise en place d’un local CCN près de la grotte Napoléon, un autre local plus grand est aménagé aux Salines, quartiers populaires d’Ajaccio.
  • Création courant 1981 des CNPC (Cumitati Naziunalisti Pupulari Corsi  en opposition à la CCN) dont les deux principaux comités sont situés à Cervioni et Purtivechju, puis création des CNPL (Cumitati Naziunalisti Pupulari di i Liceani en opposition à L’ULNC) dont la ligne politique est le livre blanc du FLNC et le mot d’ordre IFF.
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