#corse – U Cumunu : « Un spenghjeranu mai a nostra fiaccula »

Les dimanche 13 et jeudi 17 décembre 2015 ont été de ces jours qui construisent l’identité d’un peuple. Pour la première fois depuis plus de deux siècles, une force politique se réclamant de la nation corse prenait le pouvoir sur notre île. Comme l’ont rappelé plusieurs militants, élus ou non, à cette occasion, le mouvement national ne sera jamais l’équivalent d’un mouvement politique traditionnel, sauf à renoncer à ce qui fait son essence. Il ne sera jamais une force de gestion, même très compétente. Le mouvement national, et plus particulièrement son courant se réclamant de la lutte de libération nationale, du courant indépendantiste, est, en soi, une force révolutionnaire, luttant pour un changement radical, en mettant l’autodétermination au centre du combat politique.

Il a souvent été reproché, très légitimement, à ce même mouvement national de passer à côté des grandes occasions pour affirmer ce qu’il était. Cela n’a clairement pas été le cas lors de l’installation de la nouvelle Assemblée de Corse. Un mouvement politique, particulièrement lorsqu’il porte en lui une société différente, se doit de proposer des solutions concrètes, claires, argumentées, comme peut l’être Corsica 21 par exemple. Mais il doit aussi se construire à partir de symboles. L’élection d’un indépendantiste à la présidence de l’Assemblée, son discours (en langue corse) assumant toute l’Histoire contemporaine du mouvement national, le serment de servir les intérêts de la Corse et de son peuple devant un exemplaire de Giusitificazione della rivoluzione di Corsica par un exécutif se présentant volontiers comme un « gouvernement national », l’hymne national retentissant dans l’enceinte parlementaire, tout était là pour faire de cette journée un moment historique.

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Les réactions de responsables politiques français et de certains éditorialistes, ne supportant pas que leur république colonialiste, impérialiste, intolérante soit défiée par un peuple qu’ils pensaient avoir réduit au silence, en sont une preuve. Leur indignation constitutionnelle devant l’usage de notre langue dans notre assemblée, certains demandant même des sanctions, est la preuve qu’il est possible de créer une légalité corse, issue de notre légitimité historique à décider de notre destin. La société corse en marche, sans la béquille trompeuse de l’assistanat de l’Etat central. Voilà ce qu’a représenté le 17 décembre.

Car, au-delà de la victoire historique largement commentée du mouvement national, cette élection a également été une défaite historique pour le clan. Un an et demi après la chute de la dynastie Zuccarelli, symbole de la « Corse française et républicaine », les résultats électoraux des Giacobbi, Rossi ou Rocca Serra sont une pierre sur le chemin de l’émancipation. Après avoir géré les intérêts français en Corse pendant deux siècles, avoir tenté de réduire ce peuple à la dépendance, ils étaient enfin sanctionnés en perdant la plus haute institution insulaire. Bien entendu, aucune naïveté de notre part, les combats politiques ne connaissent que rarement une destinée linéaire et la réaction française n’a pas dit son dernier mot. Mais, en ce mois de décembre 2015, le champ des possibles a été ouvert. Il nous reste à le semer.

Dans ce contexte, les évènements de ces derniers jours à Aiacciu rappellent, si besoin était, l’ampleur de la tâche à accomplir. La concomitance des évènements permet de s’interroger de leur opportunité. Clairement, à qui profitent ces évènements ? Cette interrogation ne doit pas cacher un constat fait de longue date par le mouvement national. La société corse est malade, malade du colonialisme, malade du capitalisme, malade de ces dominations imposées mais aussi de ces dominations relayées, sur place, par des Corses.

Ainsi, la nuit de Noël, des pompiers ont été violemment attaqués dans un quartier populaire ajaccien. Profession appréciée pour ses interventions quotidiennes au service de tous les Corses, pour ces combats estivaux contre les incendies, s’attaquer aux pompiers ne peut que provoquer une désapprobation unanime. D’ailleurs, encore une fois, comprendre les raisons d’une telle attaque est indispensable. Que cherchait-on en s’attaquant à des pompiers ? Attaquer un symbole parmi d’autres de l’Etat, de l’autorité, en cherchant à en attirer l’attention ? Marquer son soutien aux incendiaires de cet été ? Lutter contre les premiers secours apportés aux victimes de la route ? Répondre à cette question est un passage obligé pour analyser ces évènements, pour dépasser la légitime émotion et entrer réellement dans une réflexion politique.

Concrètement, cela signifie aller à contre-sens des réactions de ceux qui ont profité du soutien unanime aux pompiers pour laisser libre court à leur racisme. La dégradation d’une salle utilisée par des musulmans, la tentative d’autodafé sur des livres religieux, les attaques aux biens, les slogans racistes, n’ont rien à voir avec un soutien aux pompiers agressés. Au contraire, en s’attaquant à des cibles arbitraires, ces actes se rapprochent de l’agression nocturne subie par l’équipe de pompiers. Quels liens peuvent être faits entre l’attaque d’un camion de pompiers et la religion musulmane ? Il ne s’agit donc que d’un prétexte, porté par l’ignorance, la haine et la bêtise.

Suite à cela, l’Etat, réel incendiaire par sa politique, a beau jeu de se présenter comme le garant de la sécurité, de la paix et de la concorde. Les appels à restaurer « l’ordre républicain » du gouvernement et en premier lieu de son chef, de responsables politiques français, trouvent face à eux, inlassablement, le même constat : c’est la République française qui est responsable de cette situation. L’image des forces de répression protégeant un quartier corse, peuplé de Corses, d’autres Corses est insupportable pour toute personne aspirant à vivre libre, en tant que Corse, sur cette terre.

La réaction opportuniste de certains médias français s’empressant de lier victoire nationaliste et actions racistes est une preuve supplémentaire de l’espoir d’émancipation que portent cette victoire. Car, l’Etat français et ses chiens de garde ont peur de notre émancipation et se sont donnés pour objectif, depuis longtemps, de rendre illégitime notre combat en le rattachant au racisme, au banditisme et aux autres fléaux traversant la société corse. Celles et ceux qui cherchent à diluer leur haine dans notre idéal d’émancipation font le jeu de l’Etat français.

Pour nous, ces évènements sont l’occasion de réaffirmer ce que nous sommes : une communauté de destin, dans laquelle toutes celles et tous ceux qui ont choisi de vivre ici peuvent se reconnaître. Mais pour cela, il est indispensable de lui donner un contenu politique.

Sous d’autres cieux, en Kanaky, l’idée d’un « destin commun » historiquement portée par le mouvement indépendantiste kanak pour construire une société où chacun aurait sa place et combattu pendant des décennies par la droite coloniale, a aujourd’hui été en partie récupérée par l’Etat français et ses défenseurs locaux. En jeu, un combat pour la légitimité à défendre cette idée essentielle qu’est l’égalité mise sur le devant de la scène par les indépendantistes. En Corse, alors que les idées du mouvement national impactent aujourd’hui considérablement le débat politique, nous ne devons pas laisser cette idée, notre idée, de « communauté de destin » être remise en cause par l’extrême-droite, y compris (et à plus forte raison) lorsqu’elle se pare de la Testa mora. Il ne faut pas non plus laisser cette idée, notre idée, reprise par le colonialisme français et sa « République » qui serait la seule garantie du vivre-ensemble.

Le 17 décembre dernier, il a largement été fait appel à la période des Lumières, aux idées de Pasquale Paoli, à la Corse indépendante du XVIIIème siècle. Il a été rappelé combien, à cette époque comme aujourd’hui, l’exercice du droit à l’autodétermination, la possibilité de décider soi-même de son destin, permettaient l’ouverture et la tolérance. Pour nous, militantes et militants politiques se réclamant de la lutte de libération nationale et de la lutte libération sociale, cela est plus que jamais d’actualité. La construction de la Corse de demain, débarrassée du colonialisme et du capitalisme générateurs d’exploitation et d’exclusion, délégitimera les agressions de pompiers et les pogroms racistes.

Dès maintenant, nous devons être à la hauteur des enjeux en n’abandonnant aucune de nos valeurs. La flamme de l’espoir allumée par le mouvement national a éclairé l’Assemblée de Corse en ce mois de décembre, nous ne laisserons pas ceux qui se complaisent dans l’obscurité l’éteindre.

U Cumunu

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