#Corse Plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux, la contribution de l’Associu Per l’Arena

La problématique des déchets et de ses traitements est à la une de l’actualité depuis des mois, voir des années, et cette semaine, plus que jamais. A l’Assemblée de Corse, à Tallone, ce dossier fait la une de l’actu.

dechargeVoici pour rappel, la contribution de l’Associu per l’Arena en date du 5 février dernier. Une contribution à l’enquête publique sur le Plan de Prévention et de Gestion des Déchets non Dangereux:

Monsieur le Commissaire
Dans le cadre de l’enquête publique portant sur le PPGDND et donc sur la politique de gestion des déchets en Corse pour les prochaines décennies, je tiens à vous part de notre appréciation en fait et en droit de la grave situation qui affecte la gestion actuelle du centre de stockage de déchets de Tallone et de son avenir.
– D’un point de vue de l’urbanisme
Depuis 2013, nous avons saisi à six reprises le tribunal administratif de Bastia des décisions prises par le maire de la commune de Tallone et son conseil municipal qui autorisaient l’extension du centre de stockage de déchets ultimes lieu-dit « Isule » ou « Pompugliani » et la création de nouvelles installations destinées à pérenniser le centre de stockage.
Le Tribunal administratif nous a donné raison à chaque fois ; deux instances sont en cours et une troisième va être lancée :
– jugement du 20 novembre 2014 : annulation de la délibération du 16 février 2013 du conseil municipal de Tallone approuvant le PLU autorisant l’extension du site de stockage des déchets ;
– jugement du 20 novembre 2014 : annulation de la délibération du 8 juin 2013 du conseil municipal approuvant le PLU autorisant l’extension du site de stockage des déchets ;
– ordonnance de référé du président du tribunal administratif du 29 octobre 2013 suspendant les effets du permis de construire du 19 janvier 2013 par laquelle le maire a délivré à sa commune un permis d’aménager et de construire une déchèterie de 5.000 m2 au lieu-dit « Isule » ;
– jugement du 4 juillet 2014 qui annule ledit permis de construire ;
– saisine le 22 août 2014 du même tribunal administratif de la délibération du conseil municipal de la commune approuvant le 21 juin 2014 autorisant le maire à signer le contrat de délégation de service public de l’installation de stockage de déchets non dangereux avec la société STANECO (instance en cours) ;

– saisine du tribunal administratif le 3 octobre 2014 du permis de construire en date du 4 août 2014 pour une « unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage » de 7425 m2 située lieu-dit Pompigliani (instance en cours) ;
– enfin, saisine prochaine du tribunal administratif du permis de construire délivré par le maire le 15 novembre 2014 autorisant la création d’une déchèterie au lieu-dit Isule.

Je vous prie de noter que l’ordonnance et le jugement annulant le premier permis de construire de la déchèterie sont devenus définitifs, faute de pourvoi ou d’appel de la part de l’Etat, le permis de construire ayant été signé à l’époque par le maire au nom de l’Etat.
Sur le fond, toutes ces décisions ont été annulées aux motifs qu’elles méconnaissaient les dispositions du Schéma d’aménagement de la Corse valant directive territoriale d’aménagement qui impose une urbanisation en continuité des centres urbains et, ensemble, de l’article L146-4-I al. 1er du code de l’urbanisme.
Ce motif d’illégalité est dirimant : il fait et fera toujours obstacle à tout projet de constructions ou installations dans ce secteur.
Par ailleurs, le projet de PADDUC ne change rien à l’état du droit applicable ; à notre connaissance, il n’est guère plus prévu de modifier la loi « littoral » du 3 janvier 1986 pour autoriser sur les communes littorales ce genre d’installation.
-Concernant le droit des installations classées

L’installation accueille, sur près de 20 ha, des ordures ménagères d’une partie de la Haute-Corse dans un secteur non urbanisé, à proximité immédiates d’exploitations agricoles dont celles de M. Renucci classées AOC.
La capacité du site était à l’origine de 720.000 tonnes devant être exploitées jusqu’en 2020.
La capacité initiale du centre de stockage de déchets a été portée à compter du 30 août 2000 à 1 208 500 tonnes ; elle a été atteinte dès le mois de juin dernier de telle sorte que le Préfet de Haute-Corse a autorisé une nouvelle augmentation de capacité de 80.000 tonnes.
Le Préfet a ensuite mis à l’enquête publique la demande d’autorisation d’extension du centre avec création d’une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux au titre du livre V du code de l’environnement, du 16 juin au 16 juillet 2014.
Pourtant :
– une partie significative des déchets de l’agglomération bastiaise y sont enfouis, alors pourtant que le site est situé à 80 km de Bastia ;
– il est prévu d’y enfouir aussi les déchets de l’agglomération d’Ajaccio, située à plus de 100 km ;
– les rapports de la DREAL depuis de nombreuses années ont noté des dysfonctionnements importants et un de vos prédécesseurs a dû prendre un arrêté de consignation ;
– la rivière Arena au droit du site contient une charge en fer et une pollution bactériologique dont l’origine est directement le centre de stockage ;
– la rivière se jette ensuite dans l’étang de Diane identifié « Etang et zone humide de Diana » au titre de la directive CEE du 21 mai 1992 dite « Habitats », alors que récemment encore ses huîtres ont été déclarées impropres à la consommation.
Le Préfet a pris un arrêté d’autorisation d’exploiter le TMB/ISDND malgré tout cela le 29 décembre 2014.

– Concernant le contexte affairiste
La DSP conclue cet été entre la commune et STANECO, l’exploitant, l’a été apparemment en violation des règles posées à l’article L. 1411-12 du code général des collectivités territoriales qui n’autorise de procédure simplifiée que pour les DSP portant sur un montant, sur 3 ans, de 68.000 € HT.
Enfin, le jugement du tribunal administratif de Bastia a annulé les délibérations approuvant le PLU de la commune également aux motifs que le maire était intéressé aux délibérations au sens de l’article L2131-11 du code général des collectivités territoriales.
L’ensemble de ces circonstances doit amener l’Etat à reconsidérer sa position. Nous nous laissons le droit de former recours contre l’arrêté préfectoral du 29 décembre 2014 en explorant toutes les voies de droit.
L’évidence s’impose : l’extension du centre n’est pas viable en droit.
-Concernant le lien entre le PPDND et notre opposition au projet de TMB/ISDND sur Tallone
Samedi 24 janvier l’association pour une Fondation de Corse organisait à Aleria une conférence de Monsieur Jacques Muller, ingénieur agronome, ancien sénateur du Haut-Rhin membre de la «mission commune d’information sur les déchets ». Au cours de cette soirée, il a exposé précisément les principes et modalités du système de gestion des déchets mis en place au sein de la Communauté de Communes de Thann-Cernay (19 communes, 41 000 habitants) qui permet d’atteindre un tri/valorisation de plus de 80 %, c’est-à-dire deux fois mieux que l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement. Il a souligné que la grande région milanaise (10 millions d’habitants) qui a conduit une démarche similaire obtient des résultats identiques.

En plus de la recherche d’une communication optimale avec la population, un tel système de gestion des déchets repose sur deux principes :
1) la priorité absolue donnée au tri à la source, y compris celui des bio-déchets. Elle se traduit concrètement par une refonte complète des modalités de collecte : abandon des collectes multi-hebdomadaires des OMR telle qu’elle prévaut encore en Corse aujourd’hui, au profit d’une collecte sélective hebdomadaire en porte à porte des bio-déchets, une collecte en porte à porte tous les quinze jours des OMR (exempts de bio-déchets qui ont été triés à la source) et une collecte en porte à porte tous les quinze jours des différents emballages recyclables. Le tri est ainsi facilité par une offre de service aux ménages fonctionnelle qui leur permet de trier chez eux. Des dispositions spécifiques existent naturellement dans l’habitat très dense des cœurs urbains et dans le rural profond.
2) une tarification incitative au prorata du volume d’OMR basée sur la location de bacs à l’année. Le montant de cette dernière est inversement proportionnelle au volume d’OMR produits par l’usager et permet ainsi de gratifier le geste de tri : la mise en œuvre du principe « plus on trie, moins on paye » a ainsi permis à 88% des foyers de voir leur facture diminuer et au syndicat mixte.
Les résultats sont là : 82% de valorisation matière, avec notamment celle des bio-déchets (coût du traitement = 61€/tonne, contre 120€/tonne mise à l’enfouissement) dont le compost de qualité remarquable est vendu in situ aux agriculteurs, 96 kg d’OMR/habitant/an, maîtrise des coûts de gestion du traitement des déchets, limitation des GES puisque ces derniers sont traités au plus près de leur émission
Malgré quelques avancées réalisées par des intercommunalités engagées, la Corse n’arrive pas à traiter ses déchets comme il convient. Impacts négatifs important sur l’environnement, non-maîtrise des coûts, il apparaît que faute de volonté politique suffisamment affirmée, la gestion de nos déchets est de fait abandonnée à des opérateurs privés du transport et de l’enfouissement, avec l’appui des services de l’Etat.

Le nouveau Plan de prévention et gestion des déchets ménagers (PPGDND) prévoit 3 unités de Tri mécano biologique (TMB). Celles-ci présentent de nombreux inconvénients : investissements importants, nuisances et mauvaise qualité du compost qui en est issu.
C’est là que le bât blesse : l’expérience montre, y compris à l’échelle européenne, que le compost issu des unités de TMB les plus performantes ne répond pas aux attentes de leurs éventuels utilisateurs, notamment les agriculteurs. La norme qualitative NFU qui valide la capacité d’un compost industriel à être épandu ne garantit en rien ses débouchés. Il en résulte que ce compost intrinsèquement non-valorisable est selon le cas incinéré ou enfoui. C’est pourquoi les unités de TMB sont aujourd’hui considérées en France comme devant être évitées : c’est ce que précise la nouvelle loi sur la transition énergétique.
L’expérience présentée par Jacques Muller montre qu’une gestion rationnelle des déchets, en portant une attention particulière aux bio-déchets traités de manière spécifique à la source, est une bien meilleure solution, vertueuse par rapport aux défis environnementaux notamment la réduction des GES, la création d’emplois locaux et la réduction des coûts pour la collectivité et l’usager.

Imposer à Tallone le TMB/ISDND signifierait tomber dans la facilité et persévérer dans l’impasse où la Corse est déjà engagée. En effet une telle décision irait radicalement à l’encontre de la logique qui doit prévaloir pour toute mise en place d’un système de tri à la source, seule alternative efficace pour gérer intelligemment nos déchets et par conséquence éviter le retour du projet d’incinérateur en Centre Corse.
Le nouveau projet propose essentiellement l’enfouissement comme solution : en témoignent les projets cités et les projections faites en termes de stockage. Mêmes causes, mêmes effets, mêmes nuisances : n’en déplaise aux promoteurs des unités de TMB, à l’instar de ce que l’on observe partout en Europe, le compost produit en Corse ne sera jamais utilisé en agriculture… Par ailleurs le ramassage et le transport en vrac de déchets non triés en provenance des quatre coins de la Corse sur de longues distances et destinés à l’approvisionnement l’unité de TMB seront source inévitable de nuisances et de pollution, notamment les GES. Pire, il est prévu que des déchets contenant de l’amiante seront aussi autorisés sur site.
Enfin le coût de traitement pour les collectivités et en conséquence la facture de l’usager vont déraper… de même que les revenus de la société qui exploiterait le site et des transporteurs routiers à l’affût d’un nouveau marché lucratif. En la matière, « nos déchets valent de l’or »…

Ainsi nous refusons de choisir entre la peste et le choléra, l’incinération ou l’enfouissement.

L’occasion doit être saisie pour faire de la Corse un modèle en matière de gestion des déchets ménagers dont le principe doit être la limitation à la source de leur production et leur traitement sélectif au plus près de leur émission.

Le PPDND proposé n’est pas assez clair sur ses orientations et à sa lecture rien n’empêche la réalisation des projets privés de TMB/ISDND en cours dont celui porté par la Staneco et la mairie de Tallone.

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