#Corse #Ghjurnate2013 « Paris devra tôt ou tard revoir sa copie s’il ne veut pas subir en Corse ce qu’il a subi sous d’autres cieux : les déconvenues et le déshonneur. »

Voici le discours de clôture de Jean Guy Talamoni de Corsica Libera :

« Cette année encore, nos débats ont été riches, s’agissant tant de la politique internationale que de la situation corse.

Une fois de plus, ces Journées ont constitué l’événement marquant de l’année sur le plan politique, le lieu non pas seulement de la politique, mais celui du politique. Et la distinction est importante. Nous n’avons pas évoqué ici les questions attachées à la politique, gestion du système de représentation, questions électorales, voire comme l’on dit en Corse de pulitichella. Ici, nous nous sommes attachés à ce qu’il y a de plus noble : le politique, c’est à dire la réalité et l’ampleur du pouvoir que détient le peuple corse à travers ses élus et responsables. Dans un tel registre, les élus ne sont pas seulement les représentants de leurs électeurs respectifs (droite, gauche, nationalistes…). Ils sont les garants de ce qui maintient une collectivité dans sa cohérence, ce qui lui permet de poursuivre sa vocation historique. Et c’est ce qui autorise également à sortir des jeux politiciens pour se pencher sur les véritables enjeux. C’est ce qui incite en outre à travailler ensemble, par delà les différences d’engagements.

Car les intervenants au débat que nous venons d’avoir ont tous une « certaine idée de la Corse » – comme dirait un célèbre homme d’Etat étranger. Ils ont tous une idée de la cohérence de notre collectivité, une idée de sa vocation historique. Et, qu’on le dise de cette façon ou d’une autre, la vocation historique de la Corse est bien une vocation nationale.

Ici, par delà les changements de vocabulaire, chacun sait parfaitement que la Corse n’est en rien une entité administrative française. Comme l’écrivaient, il y a 99 ans, les auteurs de la revue A Cispra : « A Corsica ùn hè micca un dipartimentu francese, hè una nazione vinta chì hà da rinasce » !

Avec des mots différents, les élus non nationalistes disent la même chose lorsqu’ils parlent de « peuple corse », notion à nouveau votée il y a quelques mois par l’Assemblée de Corse dans le cadre des orientations du PADDUC. Notion votée à une forte majorité et sans opposition, avec y compris les suffrages du groupe dit de la « gauche républicaine »… Si nous étions une région française, parlerait-on couramment sur l’ensemble du paysage politique et sans la moindre réserve de « peuple corse » ? Entend-on parler couramment de « peuple de Champagne-Ardenne », de « peuple de Poitou-Charentes » ?

C’est parce que nous sommes pleinement conscients de ce qui nous rapproche des autres responsables corses que nous avons su tendre la main, y compris à ceux qui étaient les plus éloignés de nous politiquement. Et notre démarche d’ouverture envers les autres élus – en particulier depuis la nouvelle mandature – n’est pas étrangère aux avancées d’ores et déjà enregistrées, notamment sur l’officialité de la langue corse. Cette ouverture, ce dialogue, nous avons voulu qu’ils aient lieu au grand jour, devant tous les Corses, et c’est la raison pour laquelle nous avons pu débattre ici deux années de suite avec des élus de tout bord.

L’attitude parisienne 

Manifestement, à Paris, ces efforts de cohésion des élus corses ne conviennent pas à tout le monde, comme d’ailleurs les premiers résultats de nos travaux, en particulier sur l’officialité de la langue.

Nous pensons que les persécutions judiciaires que nous connaissons actuellement, totalement injustifiées et à contre courant de ce qui se passe en Corse, ont précisément pour objectif de nuire à cette cohésion des élus corses et au travail réalisé en commun.

Plus personne n’ignore désormais que la France porte l’entière responsabilité des dérives mafieuses  qui se développement aujourd’hui dans l’île, ayant concentré depuis des décennies ses moyens judiciaires et policiers sur les nationalistes corses. On voit bien que pour l’heure, cette démarche calamiteuse n’est pas remise en question par le gouvernement français. Il s’agit d’une attitude irresponsable qui ne peut que créer le chaos, s’il n’y est pas mis un terme immédiatement, ce que doivent exiger l’ensemble des élus corses.

Pour notre part, nous ne sommes pas disposés à nous laisser faire. Nous le disons tranquillement. Nous poursuivrons sereinement et inlassablement notre travail politique au service de la Corse tout en nous donnant les moyens de faire face aux agressions parisiennes.

Quant aux premières réactions du gouvernement français sur les travaux de l’Assemblée de Corse, il convient de les tenir pour ce qu’elles sont en l’état : le produit de la mauvaise foi et du racisme anti-corse conjugués. Les Corses culturellement voire génétiquement violents, auraient de surcroît la prétention de hisser leur dialecte au rang du français…

Paris devra tôt ou tard revoir sa copie s’il ne veut pas subir en Corse ce qu’il a subi sous d’autres cieux : les déconvenues et le déshonneur.

La réforme en cours

Au moment où se tiennent ces Ghjurnate Internaziunale, l’Assemblée de Corse est sur le point de conclure l’élaboration de son projet de réforme. Force est de constater que le travail en commission et les expertises ont permis de valider les principales propositions formulées par Corsica Libera dans son projet « Corsica 21 » : orientations du PADDUC tournant le dos à la fameuse « économie résidentielle » – donc à la spéculation immobilière – et privilégiant un développement fondé sur la valorisation de notre environnement et notre identité ; création d’un organisme d’évaluation des politiques publiques ; officialisation de la langue corse ; statut de résident…

Ceci est bien la preuve que ces propositions n’étaient en rien dictées par le dogme, ou une quelconque posture idéologique, mais qu’elles répondaient bien aux besoins de la Corse d’aujourd’hui.

Nous n’en tirons aucune vanité d’auteurs et nous espérons que demain l’Assemblée de Corse reprendra à son compte d’autres propositions qui nous sont chères : je pense par exemple à la création d’une compagnie maritime publique de la Corse, solution qui, au fil des mois, s’avère la seule praticable et respectueuse des intérêts corses…

Un point a été fait à travers le débat qui vient de se tenir. Deux questions essentielles ont d’ores et déjà été tranchées :

–        la fiscalité du patrimoine : l’Assemblée de Corse s’est prononcée pour le transfert de cette compétence à la Collectivité Territoriale de Corse. Il s’agit d’une vieille revendication des indépendantistes qui figure dans tous nos programmes politiques depuis des années : la « territorialisation des impositions ». Pour nous, cette démarche doit être étendue aux autres formes de fiscalité, afin que notre peuple soit en mesure de montrer ce qu’il est capable de faire à travers ses propres capacités contributives, qui sont conséquentes, contrairement à une idée fort répandue. Il ne s’agit pas seulement ici d’une question financière, mais encore d’une question de dignité de notre collectivité nationale : le transfert de fiscalité et la clarification des flux financiers entre la Corse et la France permettront de faire litière de la fable de la « solidarité nationale ».

–        La question essentielle de la langue corse : après avoir adopté la motion de Corsica Libera en faveur de la coofficialité, l’Assemblée de Corse a élaboré un véritable statut pour notre langue. Le vote de ce statut, qui a été effectué de façon solennelle et dans une grande émotion, s’est fait à travers une majorité considérable et sans le moindre vote contre. Sur le plan symbolique et politique, ce vote a déjà eu des conséquences importantes : il a montré à tous le prix qu’attachent les élus corses à cet élément majeur de notre patrimoine national ; il a institué symboliquement le corse, non seulement comme une compétence, mais encore comme une priorité politique porteuse d’un véritable projet de société ; enfin, il a montré la capacité des responsables politiques corses à travailler ensemble et à se rejoindre sur les sujets d’intérêt général.

Demeurent d’importantes questions sur lesquels un long travail a été accompli par les élus et qui devraient donner lieu à un vote à la rentrée prochaine :

–        Le pouvoir normatif : il est clair qu’à cet égard, les dispositions spécifiques dont bénéficie la Corse depuis le premier statut, au début des années 1980, ont largement montré leur inefficacité, Paris n’ayant jamais tenu compte des vœux de l’Assemblée de Corse, exprimés selon la procédure prévue à cet effet. Corsica Libera s’est depuis toujours prononcée pour un véritable pouvoir législatif au bénéfice de l’Assemblée de Corse. Les travaux réalisés dans le cadre de la commission Chaubon ont permis d’entrevoir un certain nombre de solutions de compromis susceptibles de recueillir le soutien d’une majorité de conseillers territoriaux.

–        L’architecture institutionnelle : ce sujet éminemment sensible sera traité dans le détail dans les mois à venir. Toutefois, dès septembre, un certain nombre d’orientations devront être affirmées par l’Assemblée de Corse : simplification de la carte administrative (afin d’assurer une gestion plus rationnelle des dossiers et de détruire le nid du clientélisme, à savoir les Conseils généraux) ; répartition territoriale harmonieuse des services administratifs et des lieux de pouvoir ; enfin représentation des territoires, ce qui constitue également une nécessité. Corsica Libera a formulé des propositions très précises et un certain nombre d’entre elles pourraient être prises en compte par une majorité d’élus.

–        Par ailleurs, il faudra bientôt conclure sur la question de la spéculation foncière et de la dépossession dont sont actuellement victimes les Corses en matière immobilière. Les travaux réalisés par le groupe de travail présidé par Maria Giudicelli et l’expertise réalisée dans le cadre de ce groupe ont confirmé à la fois le diagnostic et l’urgence de sortir du droit commun dans ce domaine essentiel. Parmi un certain nombre d’outils qui pourraient être utiles, un dispositif s’est avéré indispensable si l’on veut réellement que les Corses ne soient pas purement et simplement chassés de leur terre :  celui fondé sur un certain nombre d’années de résidence comme condition pour acquérir un bien immobilier dans l’île. Souvenons-nous que jusqu’il y a peu, Corsica Libera était le seul groupe à défendre un tel dispositif. Aujourd’hui, les travaux menés à l’Assemblée de Corse ont montré qu’il s’agit en fait d’un moyen indispensable de régulation du foncier.

Un problème cependant se posait : le sort de la diaspora. Ici encore, Corsica Libera a proposé une solution technique, fondée sur la notion de « centre des intérêts moraux et matériels ». Cette notion, qui permet de réintroduire dans le dispositif les Corses vivant à l’extérieur de l’île, a été extrêmement bien reçue par ces derniers. Elle a été en outre validée et reprise par les experts mandatés par l’Assemblée de Corse. Ainsi, sur cette notion de résident, le dernier obstacle vient d’être levé.

–        Enfin, une autre évidence s’est progressivement imposée au cours de nos travaux : rien ne pourra être fait de significatif, en aucune matière, sans qu’une révision constitutionnelle ne soit opérée pour donner à la Corse les nécessaires dérogations, qu’il s’agisse de la question linguistique, de la question fiscale ou de la question foncière.

Alors, dans quelques semaines, il faudra que l’on donne une conclusion au processus d’élaboration du projet de réforme par l’Assemblée de Corse. Sur le plan technique, sur le plan de l’expertise, tout a été fait. Des centaines d’heures de travail en commission ou en séance publique ont permis aux élus de cette mandature de connaître les différents dossiers dans leur moindre détail, comme cela n’a jamais été fait dans les passé. Cette montagne de travail va-t-elle accoucher d’une souris ? L’espoir soulevé au sein de la société corse sera-t-il déçu ?

Au moment de conclure, les élus corses vont-ils se laisser impressionner pas les grognements parisiens qui en disent long sur l’embarras que cause à l’Etat français cet effort de cohésion des responsables insulaires ?

Nous en sommes arrivés à l’heure des choix ; Simu à a strinta di u saccu. Il convient à présent de passer du technique au politique. La Conseil exécutif de Corse et la majorité dont il dispose doivent à présent prendre toutes leurs responsabilités. Sans verser dans la grandiloquence, le moment est historique : des représentants de ce Conseil exécutif ont eu le courage de venir ici deux années de suite pour renforcer la cohésion de la Corse dans ses justes revendications.

Nous leur disons solennellement « encore un effort ! ».

Nous nous adressons à eux et en particulier au premier d’entre eux, le Président du Conseil exécutif.

Sur les questions fiscales et linguistiques, ce Conseil  exécutif a su s’abstraire de la tutelle parisienne et dire ce qui était nécessaire aux Corses. Il doit à présent le faire sur la question de la résidence et sur celle de la révision constitutionnelle.

Lorsque nous avons voté l’officialité de la langue corse, nous avons tous eu le sentiment d’avoir fait appel à ce qu’il y avait de meilleur en nous pour trouver les voies de la convergence et pour servir notre peuple du mieux que nous le pouvions.

Dès le lendemain, nous avons pu vérifier que les Corses nous savaient gré de l’avoir fait.

Poursuivons cet effort en commun et concluons notre travail en montrant aux Corses qu’ils sont dignement représentés ce qui n’a peut-être pas toujours été le cas par le passé.

Poursuivons cet effort et faisons mentir les prophètes parisiens qui chantent sur tous les tons que les Corses ne se mettront jamais d’accord.

Poursuivons cet effort et proposons aux Corses notre solution commune pour assurer la pérennité du peuple corse sur la terre de Corse.

Alors seulement, les élus corses pourront dire qu’ils ont su travailler pour la Corse.

Alors seulement, les orientations d’une réforme audacieuse mais nécessaire auront été tracées.

Alors seulement, viendra le temps de la négociation et du rapport de force avec Paris pour faire prévaloir nos intérêts collectifs.

Alors seulement, les voies de l’avenir seront dégagées.

Si nous exigeons ensemble, unis et solidaires, ce dont nous avons besoin pour assurer l’avenir de nos enfants, alors, nous en sommes convaincus, nous gagnerons la partie.

EVVIVA A CORSICA !

EVVIVA A CORSICA LIBERA ! »

JEAN GUY TALAMONI

(…) 

Revue de Presse et suite de l’article  : 

sur Corse Matinsur Alta Frequenza, sur RCFM, Sur Corsica, Sur le Journal de la Corse, Sur Paroles de Corse
Sur Alcudina, sur Corsica Infurmazione/Unità Naziunalesur France 3 CorseSur Corse Net Info (CNI)

Corsica Infurmazione: l’information de la Corse, des Réseaux sociaux et des Blogs politiques [Plateforme Unità Naziunale]

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