« Le pouvoir réel que nous ont confié les Corses et qui a, de fait, été confisqué » – #Corse

(Unità Naziunale – Gestion Institutionnelle – Publié le 21 décembre 2020) discours du Président de l’Assemblée de Corse

Chers collègues,

Compte tenu de la situation actuelle, je prononcerai exceptionnellement en langue française cette allocution introductive de séance, afin de m’assurer d’être parfaitement compris, y compris par les occupants actuels – et transitoires – de nos locaux du Palais Lantivy.

Au moment où une crise sanitaire, économique et sociale frappe l’ensemble de la planète, les responsables français semblent trouver le moment bien choisi pour engager une démarche de mise au pas de la société corse. Si Paris fait preuve, depuis à présent des années, d’une volonté obstinée de s’opposer au projet politique validé par une majorité absolue de Corses, les derniers mois – et singulièrement les derniers jours – ont constitué l’acmé de cette politique méprisante et agressive à l’endroit de notre majorité, et plus généralement des institutions corses dont nous avons la charge.

La mauvaise volonté de l’administration d’Etat, qui était devenue habituelle, prend aujourd’hui de nouvelles formes relevant d’un sabotage déterminé que l’on ne cherche même plus à dissimuler. Dans un certain nombre de dossiers financiers, économiques, sociaux ou d’aménagement du territoire, tout est fait pour signifier aux Corses que s’ils persistaient à mal voter, c’est-à-dire à voter pour des candidats nationalistes, ils n’obtiendraient rien de ce que la justice et le droit devrait naturellement leur permettre d’attendre. Le principe de neutralité de l’administration est ouvertement, ostensiblement, foulé aux pieds.

À tel point d’ailleurs que cette démarche outrancière risque de finir par gêner, voire par desservir, les personnalités politiques que Paris entend favoriser. La gestion de la crise épidémique, conduite en dépit du bon sens par un gouvernement largement disqualifié aux yeux des Français eux-mêmes, n’a pas dans l’île permis aux élus corses de voir leurs positions tant soit peu prises en compte : sur les aspects proprement sanitaires comme sur les aspects économiques et sociaux, tout ce qui vient de cet hémicycle est purement et simplement balayé. Je prendrai simplement comme exemple la demande de certification sanitaire afin de sécuriser les arrivées dans l’île. Cette mesure devrait aller de soi ici, comme dans les Outre-mer où elle est appliquée. Le caractère insulaire de la Corse a été délibérément ignoré à travers une démarche inepte allant jusqu’à nier la géographie, pour faire de la Corse une sorte de prolongement de l’hexagone, une péninsule en quelque sorte. À ce stade, il devient difficile de faire le départ entre la malveillance et l’incompétence, bien que la première parvienne souvent à dépasser la seconde, ce qui relève d’un effort méritoire. Le comble de l’absurdité vient aujourd’hui d’être atteint avec l’instauration de tests obligatoires dont il n’est pas demandé de justifier…

Dans cette affaire comme en d’autres, comment expliquer des positions de la sorte, si ce n’est par la volonté d’écarter par principe ce qui est proposé par les élus corses ? À tel point que le préfet pousse aujourd’hui l’autoritarisme jusqu’à nous contester le droit de prendre ici des délibérations exprimant une position sur une question internationale. Je pense évidemment à la demande de retrait de notre motion en soutien à l’Arménie. Or chacun sait que cette Assemblée a régulièrement voté de telles délibérations et que le préfet Bonnet lui-même n’a jamais songé à les contester ! Et je n’ai pas évoqué les fermetures arbitraires, ces derniers jours, de commerces déjà en grande difficulté, ou encore l’étrange décision de fermeture du port de Bunifaziu, finalement annulée quelques heures plus tard. Cette semaine cependant, un progrès semble se dessiner puisque nous n’avons encore enregistré aucune intervention intempestive du préfet de Corse.

Il est vrai que nous ne sommes que lundi et que nous abordons à peine la mi-journée… Dernière provocation en date, et au niveau hiérarchique supérieur, le décret du Premier ministre intervenu ces dernières heures et susceptible de produire des effets désastreux s’agissant du classement DPS de prisonniers ayant déjà été, depuis des années, exclus du champ du droit afin d’assouvir une vengeance d’Etat…

Monsieur le Président du Conseil exécutif, nous avons réagi conjointement sur ce point et, de façon plus générale, échangé ces derniers jours sur le contexte actuel.

Vous connaissez ma position. Je crois que vous en partagez une bonne part. Pour décrire la situation dans laquelle nous sommes, je n’utiliserai pas la métaphore quelque peu éculée de la croisée des chemins. Car c’est dans une impasse que nous nous trouvons. Une impasse d’autant plus sombre que nous demeurons dans l’impossibilité de respecter les engagements souscrits devant les Corses à travers le projet qu’ils ont approuvé par leur vote en 2015, et surtout en 2017. Il nous faut donc, je pense, en tirer les conséquences et changer de stratégie. Mais changer pour quelle stratégie ? Lorsque certains élus de cet hémicycle nous recommandent de faire preuve de « cordialité » et de « déférence » à l’égard des représentants de l’Etat, ils sont logiques avec eux mêmes et avec leur conception de la Corse qu’ils considèrent comme une simple entité administrative française. C’est leur droit le plus absolu mais ils savent aussi, et nous savons tous, que ce n’est pas pour cela que les Corses ont voté en confiant les institutions à des nationalistes. Une telle attitude n’aurait d’ailleurs d’autre effet que de nous déconsidérer et d’humilier les institutions que nous avons juré de défendre.

La seule autre stratégie alternative est celle de la rupture avec un système politique stérile qui cantonne notre majorité à une activité de pure gestion, une gestion au surplus entravée à chaque pas, par la préfecture. Avons-nous les moyens de consommer cette rupture et de nous réapproprier le pouvoir réel que nous ont confié les Corses et qui a, de fait, été confisqué ? Je crois sincèrement que nous pouvons relever le défi. J’ai la conviction qu’avec, en premier lieu, l’ensemble des moyens institutionnels dont nous disposons, les élus territoriaux, municipaux, communautaires, consulaires – sans compter les parlementaires à Paris –, avec, en deuxième lieu, les forces sociales qui partagent nos idées, formations syndicales et socioprofessionnelles, avec, en troisième lieu, les forces militantes et la mobilisation populaire, nous pourrons empêcher l’administration d’Etat de nous imposer des décisions que nous désapprouvons et nous serons en mesure d’appliquer largement les délibérations de nos propres institutions.

Cela passe certes par un rapport de force, mais seul ce dernier pourra contraindre Paris à reconsidérer, sur une base enfin démocratique, ses relations avec la Corse. Je propose, Monsieur le président du Conseil exécutif, Mesdames et Messieurs les élus – particulièrement bien sûr ceux qui se réclament de la nation –, que nous ouvrions rapidement le débat, entre nous naturellement, mais également avec les formations politiques et les forces vives qui nous ont portés aux responsabilités, sur ce nécessaire changement de stratégie.

Nanzu di compie, vulerebbi ringrazià à tutti quelli chì, quist’annu, ci anu permessu di travaglia malgradu a crisa sanitaria : in particulare u Secretariatu generale, u serviziu infurmaticu, i cullaburatori di i gruppi, è u cabinettu di a presidenza di l’Assemblea. Infine, i mio auguri : ùn vi diceraghju micca « Bone feste » ma « Bon’ Natale » chì Natale ùn hè una festa cum’è l’altre, particularamente in Corsica ! Allora, pregu un bon’ Natale à tutte l’elette è à tutti l’eletti di l’Assemblea, di u Cunsigliu esecutivu, à tutti i Corsi, è ancu à l’altri !

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